Les 36èmes palabres de la médiation agile du 19 décembre 2023 ont porté sur les contes, les proverbes et les métaphores en médiation avec des apports de Brunhilde Calewaert, Milja Willem, Jean-Louis Le Berre, Françoise Thenaut ainsi qu’Elvire et Charles du Bénin
Voici quatre poèmes et réflexions d’Emilie Milja Willems :
Poésie et Médiation – 19/12/2023 21:02 / 1
Quel peut être le lieu commun entre la poésie et la médiation ?
La médiation est un chemin de vertu pour trouver une solution ou issue
dans une situation conflictuelle qui oppose les partis.
Nous avons ici le terme Conflit et Solution.
Ces deux termes sont liés à un état émotionnel des différents partis dans
une situation.
Toute situation heureusement n’est pas conflictuelle, celle dont nous
parlons l’est.
C’est quoi un conflict, pour moi ? C’est un état de confusion dont on
n’arrive pas à sortir. Souvent créateur d’un trauma plus ou moins important.
J’illustre mes propos à travers un poème :
« Une plume légère
Dansant son vol vers le sol
Capte ton regard guéguerre
et ma parole
Avant que la plume ne se pose
Elle vibre mes paroles qui arrosent et ouvrent un désarroi profond
Tell un gouffre géant
Puis la plume s’accroche
Sur vérité féroce
Que t’as voulu oublier
Dans cet instant relevé
« Oh plume légère
Messager du temps
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Où est l’oiseau
Qui te portait au vent »
Dans ce poème le conflit est mise en scène , le conflit entre deux personnes,
toi et moi. La situation et le ressenti est posé par la plume, légère témoin d’un
choque profond entre deux personnes. La vertu de la poésie est la
reformulation, la recherche des mots, du rythme et des silences comme dans la
musique. Malgré ou grace aux mots, ces derniers par leur sonorité leur rythme
et leur pause, ouvrent la porte à ce qui est ressenti au lieu de réfléchi. Le poète
cherche profondément à dépasser l’intellect afin de laisser la place aux
perceptions, ou ressenti aux sens.
Dans la médiation ce sont ces outils qui amènent progressivement le
dénouement du conflit, la place n’est pas au raisonnable, à la science, mais au
déraisonnable, aux perceptions.
Allons maintenant dans cette dynamique poétique qui exprime le
processus de la médiation.
« La justice est une vieille femme, ridée
Elle regarde son audience calmement
Devant elle, un groupe de jeunes entre vingt et trente cinq ans
Vieille est est, la femme, vive
Fripée comme une pomme reinette, plein de vécu, de vie
Et elle se questionne :
D’ou viennent ils, que font-ils, comment c’est eux qui quémandent
Elle pese et les soupèse
– Vulnérables, humiliés, sans foyer, pourtant dignes et honnêtes
Ne racontent pas sornettes
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Une larme se glisse le long de ses plis
L’âme lourd balance entre loi et vrai
Puis elle leur dit : Allez-y parlez !
Tout est dans l’écoute, mais une écoute qui est plus large que celle de
l’oreille, une perception et de la compassion sont des ingrédients que nous
retrouvons dans la poésie et que nous retrouvons dans la médiation.
J’ai commencé la poésie par pur nécessité, suite à au trauma, la mort de
mon père, qui voulait s’exprimer. Une porte qui s’était fermé par un choc que
je voulais ouvrir. J’avais 13 ans, et il me fallait un échappatoire à ma douleur.
A l’époque je n’avais pas de notion de trauma, le mot n’était pas encore entré
dans le langage courant, ni de besoin d’en trouver une expression. Or
justement la magie et jointure des deux éléments ont créé ma voie vers la
médiation. La loi, l’égalité à sa limite, celle ou avant tout la compassion n’a
pas beaucoup de place. Comment donner forme à l’impondérable, l’inattendu,
le choquant, l’indigeste ? C’est pas la poésie qui refuse l’organisation logique
et rationnelle des mots, qui cherche comme cette plume une voie direct vers
l’inconscient afin de le mettre à nue que j’ai trouvé mon chemin.
Voilà pour le contexte. Maintenant quelque points d’analyse.
Le rythme de la poésie versus le rythme de la médiation. Tout un chacun
comprend que le rythme en médiation est important, il faut de l’espace, de
l’assimilation des propos de l’autre, l’intégration de sa différence. En poésie le
rythme des mots ayant ou non de pauses placés par de virgules ou les
coupures de la phrase, instaure à la lecture, l’accentuation d’une émotion
comme dans la médiation. La dimension émotionnelle peut prendre sa place
par les paroles Et par les silences.
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Les mots et la reformulation. Dans la poésie la recherche des métaphores
crée dans l’espace l’image de l’émotion. Dans la médiation le recours aux
métaphores est un outil puissant pour prendre recul, devenir observateur de
l’événement, c’est une manière de reformuler.
Mais le lien le plus indéfectible, dans les deux c’est l’espace qui est donné à
l’émotion et au ressenti. Nous ne gérons pas une médiation comme une thèse
anti thèse conclusion, mais comme une avancée parfois illogique et
irrationnelle qui pourtant crée l’espace de dissolution ou du moins de
l’acceptation du conflit qui est réel et qui ne peut être résolûtes par le
raisonnement pur.
Bien des écrivains ont nourris mon espace de médiation, des multiple
poètes, mais pas que. « Négocier le non négociable », de Daniel Shapiro fut un
des livres sur l’appréhension de ce qu’est un trauma, « The Balance
scorecard » de Kaplan et Norton est un des livres qui donnait forme à une
perception du monde à travers mes yeux, l’équilibre et l’implication des tous,
puis Mintzberg dans la « structuration des organisation » avec la mise en
image de la complexité de la communication en entreprise. Ce ne sont que
quelques écrivains, plus marquants que d’autres, car ils parlaient chacun dans
le temps de ce qu’on ne voulait voir et qui était pourtant là. N’est ce pas le
fondement d’un bon médiateur ? Accepter ce qui est la « la crise » et qui n’est
pas nécessairement perçu comme tell ?