Voici un texte de notre conférencier Abder Ait Ouali, lors des palabres du 19 juillet 2024 sur le Tajmaât et la médiation traditionnelle berbère.
« La neutralité du médiateur se résume en un postulat : le médiateur est aussi neutre que le sont ses biais cognitifs. Autrement dit, il faut avoir bien du talent pour rester libre, indépendant, impartial et surtout neutre dans le processus de médiation. Où il s’agit de naviguer d’une extrême à l’autre sans être contaminé par des biais cognitifs, jeux de pouvoir et autre conflit interne et/ou d’intérêt. Être en contact avec les parties, en étant libre, pour donner à chaque partie la possibilité d’exprimer sa liberté. En créant un rapport authentique avec chaque partie sans pour autant prendre parti.
Être médiateur dans l’âme tant la médiation est un art. C’est ainsi qu’être médiateur est bien plus une posture et un état d’esprit, plutôt qu’un titre. Un titre qui n’est pas forcément la fonction. Il va de soi que, moins le médiateur est contaminé – par des biais cognitifs et autres mécanismes de défense du moi – plus il est à même de décontaminer les parties en cause dans le processus de médiation. Pour les amener à se remettre en question, afin de les aider à sortir du conflit qui les oppose. Est-ce à dire que le diplôme de médiateur est un gage de cette décontamination ? La question se pose, non seulement dans le processus de médiation, mais également dans la vie de tous les jours, où le savoir-être est plus important que le savoir-faire.
Que se passe-t-il quand un médiateur se retrouve lui-même dans une situation de conflit ? Peut-il se remettre en question en adoptant le même état d’esprit qu’il attend de ses médiés dans le processus de médiation ? Ou se contentera-t-il de suivre le vieux dicton « faites ce que je dis mais pas ce que je fais », tout en laissant les biais de complaisance, d’attribution, d’illusion de contrôle, d’hypocrisie, d’autojustification et d’aveuglement volontaire révéler l’envers du décor derrière les beaux discours réservés aux autres ? Le monde a bien plus besoin de modèles que de diplômes ou de titres. D’où l’intérêt d’une remise en cause collective dans notre rapport au conflit, en tenant compte des biais cognitifs et autres contaminations responsables des dysfonctionnements du moi, de nous, et par conséquent, du monde. »
Et voici ce que j’ai retenu de la conférence et du débat qui a suivi
- On n’est pas médiateur par ce que l’on fait, mais plutôt parce que l’on est.
- C’est au pied du mur que l’on voit le maçon ; c’est quand il est impliqué dans un conflit qu’on voit la qualité du médiateur !
- Les Kabyles, Chaoui, Mzat ont tous une culture de la médiation avec des assemblées villageoises présidées par les anciens. En Kabylie, ces assemblées s’appellent Tajmaât. Elles débutent et se terminent avec des prières, des bénédictions et de la musique. Au cours du Tajmaât, chacun a le droit de « vider son sac »
- Cette culture très ancienne, écartée par la colonisation, reprend vie en inspirant les nouvelles lois sur la médiation que l’Algérie avec les deux associations algériennes 1. de promotion de la médiation et 2. De l’Union des médiateurs judiciaires algériens.
NB Image tirée de : https://www.elmesmar.fr/