Intervenir en médiation collective avec le Processwork

Le Processwork est une approche positive des conflits et une méthode de facilitation mises au point par Arnold Mindell (auteur et thérapeute américain – en photo ci-dessus), à partir d’un modèle expérimental en quatre étapes où les conflits sont vus comme une opportunité de changement :

  1. L’étape du “tout va bien” ou du moins “tout va bien pour moi”, sachant que d’autres peuvent vivre cette phase comme un conflit latent, ignoré ou nié
  2. L’étape du conflit ouvert, où chacun s’affronte. C’est un passage obligé pour résoudre le conflit, au point qu’il faut lui laisser un espace suffisant pour s’exprimer, faute de quoi le processus d’évolution du conflit restera bloqué
  3. L’étape du dialogue, où chaque partie exprime son besoin, sa frustration et sa souffrance, et entend ceux de l’autre
  4. L’étape de la réconciliation, où les deux parties vont célébrer leur accord retrouvé, pour le bien supérieur de la communauté.

Conscient du processus qui mature, le facilitateur en Processwork adopte trois rôles distincts :

  • Un rôle d’observateur extérieur au conflit, qui, tel un journaliste, exprime ce qui se passe dans le groupe, sans chercher à résoudre le conflit :
Peu avant le 3ème référendum de Nouvelle Calédonie, j’ai co-facilité une médiation collective entre indépendantistes et profrançais, au cours du festival kanak du Larzac. Il y avait une cinquantaine de personnes sous une tente et la conversation avait du mal à démarrer, évitant soigneusement le sujet brûlant du referendum, par crainte de soulever des violences. Seules quelques femmes évoquaient leurs souvenirs de la vie à Nouméa et dans la Grande terre, et l’énergie était basse. J’ai pris la parole en disant : Je ne connais pas votre pays ni votre culture mais, d’après ce que je constate, il s’agit d’un pays où seules les femmes s’expriment tandis que les hommes se taisent. Cette parole a suffi à réveiller les hommes qui se sont mis à parler, et à donner des témoignages poignants, en dialogue avec les femmes, le tout dans le climat de sécurité garanti par mes collègues facilitateurs.
  • Un rôle d’acteur du processus qui, tel un médiateur, construit le cadre et rythme le processus. Après avoir créé la confiance en rappelant les règles et en brisant la glace, il invite chacun des participants à repérer et éventuellement partager les tensions ou les conflits qui les touchent le plus dans l’instant qu’ils soient 1) internes, 2) interpersonnels, 3) de groupe, 4) sociaux ou 5) métaphysiques. Ensuite il invite le groupe à choisir le conflit le mieux partagé, pour le travailler pendant un temps limité (20 à 30 mn). Debout, chacun y incarne les rôles qu’il ressent, en interpellant les autres à partir de ce rôle et en bougeant physiquement pour se rapprocher de ceux qui incarnent des rôles proches, et s’éloigner des autres. A la fin du processus, les participants s’assoient et partagent leurs apprentissages.
Invités par une association écologique confronté à un climat de tension interne, nous proposons à chaque membre de noter les tensions qu’il ressent en lui-même (ex : consacrer plus de temps à l’association ou se désengager), avec d’autres membres (ex : tensions entre les tenants de la relation et ceux de l’efficacité) ou avec le monde (ex : incertitude sur l’avenir des aides de l’Etat). Un partage libre fait ressortir les principales tensions dans le groupe, liées à des différences de rythmes, de méthodes, de finalités, et le groupe décide d’approfondir une situation récente où l’un des membres voulait en exclure un autre.
  • Un rôle de participant qui quitte provisoirement son rang de facilitateur pour soutenir une partie faible ou pour incarner un rôle spirituellement présent mais peu exprimé :
Un membre déplore que des membres aient quitté l’association dont ils se sentaient exclus. Son rôle rencontrant de la résistance, il insiste : « Un membre vient de demander formellement l’exclusion d’un autre membre. » Un silence se fait. Le membre visé, mais pas nommé, se replie sur lui-même et je le sens isolé, si bien que m’approche de lui en incarnant un rôle proche du sien : « Moi, je suis un homme efficace, j’ai envie que les choses avancent et j’en ai marre de vos bavardages ». Le membre incriminé rit. Un autre exprime la polarité inverse : « Pour que le groupe dure, il faut prendre soin les uns des autres. » D’autres ajoutent « Nous avons besoin d’une feuille de route claire. » Au terme des 30 mn prévues les participants s’assoient et formulent leurs apprentissages :

  • Jamais je n’aurais cru qu’on puisse se dire des choses aussi claires, sans violence
  • On n’a pas assez pris le temps de s’exprimer comme on l’a fait aujourd’hui
  • Le développement durable c’est l’équilibre entre économique (efficacité), social (dialogue et écoute) et écologique (urgence climatique)…

Dans le cadre d’un héritage, d’une copropriété, d’un conseil d’administration, le médiateur est parfois démuni face à la multiplicité des acteurs et des rôles, qui interfèrent les uns avec les autres, voire avec les rôles absents qui hantent le groupe. Le Processwork offre alors des outils qui peuvent être utilisés à différents stades d’une médiation collective :

  • cette approche éclaire les tensions, les alliances et les énergies en présence
  • les jeux de rôles permettent d’exprimer sans violence des positions extrêmes
  • des apports théoriques donnent une riche lecture du conflit
  • l’expérience vécue permet de faire évoluer les lignes de force.

alain.ducass@energeTIC.fr
Catalyseur de changement – consultant, coach, médiateur
Facilitateur certifié en Processwork
Article original publié par le Syndicat professionel des médiateurs (SYME)