Après le rapport de la CIASE, la question du dialogue dans l’église est centrale
(Tribune publiée dans le journal La Croix du 21 décembre 2021)

Pour éviter les abus d’autorité dans l’Église, il est important de ne pas cacher les conflits, et de disposer d’instruments de médiation pour les résoudre.

Le rapport de la CIASE évoque la nécessité « d’interroger en profondeur le lien propre à cette Église entre les abus d’autorité, les abus spirituels et de conscience et les abus sexuels et d’en tirer toutes les conséquences. » Face à cette demande, nous voudrions souligner combien la question du dialogue est centrale. Car il y a un énorme conflit, et l’on peut se demander comment l’Église a l’habitude de traiter les oppositions en son sein.

Depuis 1983, le Code de droit canonique (canons 1733 et 1446) invite à éviter le litige ou le régler par un moyen adéquat. Beaucoup interprètent cette invitation en laissant perdurer des situations d’abus de peur de les dénoncer et de créer un conflit. A l’inverse, le pape François écrit dans son livre-entretien avec Marco Pozza « Vices et Vertus à l’école du pape François » :  « Quand les conflits ne se résolvent pas, mais qu’on les cache ou qu’on les enfouit dans le passé, il y a des silences qui peuvent signifier qu’on se rend complice de graves erreurs et de péchés ». « À l’inverse, la vraie réconciliation ne fuit pas le conflit, mais bien plutôt s’obtient dans le conflit, en le surmontant à travers le dialogue et la négociation transparente, sincère et patiente. »

 Force est de constater que cette dimension fait largement fait défaut en France, malgré une timide tentative à la fin du siècle dernier. En effet, le 6 novembre 1996, la Conférence des évêques de France a invité ses membres à créer des conseils diocésains de médiation, (approuvée par la Curie romaine le 24 août 1998). Plusieurs évêques ont mis en place de tels conseils, mais leurs résultats n’ont pas probants et ce, pour trois raisons :

  • Par manque de volonté : certains conseils ne se réunissent jamais, comme celui de Paris.
  • Par manque de formation : leurs membres ne sont généralement pas formés à la médiation ;
  • Par manque d’indépendance : les membres sont en général dépendant de l’évêque ;
  • Par manque de subsidiarité : parfois les accords obtenus sont remis en cause par l’évêque.

Or, les conflits sont inhérents à tout le monde vivant et la vie chrétienne n’y échappe pas. Pour aider à dépasser les conflits quotidiens dans l’Eglise et éviter qu’ils s’enveniment, une dizaine de chrétiens médiateurs laïcs ont envisagé la création du réseau ReMedE : des médiateurs des Églises, des Croyances et des religions.  Pour l’instant, ils n’ont pas encore été accueillis dans l’Église si bien qu’ils se résolvent à travailler dans la société civile, y compris de façon bénévole, par exemple en tant que  conciliateurs de justice.

Espérons qu’à la suite du rapport de la CIASE, il y ait au moins un évêque qui accepte d’accueillir ce réseau et de réfléchir avec lui aux moyens de construire la communion ecclésiale, sous l’inspiration de l’Esprit saint, sans nier les conflits internes, mais en cherchant la réconciliation précisément au cœur des conflits.

  • Nicolas de Bremond d’Ars, Prêtre et sociologue
  • Alain Ducass, Canoniste, coach, et médiateur assermenté près la cour d’appel de Paris

https://www.la-croix.com/Debats/rapport-Ciase-question-dialogue-lEglise-centrale-2021-12-21-1201191279