Voici des extraits du livre d’Etti Hillesum :
Une vie bouleversée & lettres de Westerbork

  • p 69 : L’unique critère dont on dispose, c’est soi-même. L’unique responsabilité dont tu pourras te charger en cette vie c’est celle de ta personne. 21 oct 1941
  • 72 : Ne pas vouloir s’approprier l’autre, ce qui ne revient d’ailleurs pas à renoncer à lui. Lui laisser une liberté totale, ce qui n’implique nulle résignation. 11 nov 1941
  • 72 : La vie telle qu’on l’accepte dans sa philosophie personnelle, on doit la vivre aussi dans son affectivité ; c’est sans doute le seul moyen d’arriver à un sentiment d’harmonie. 21 nov. 1941
  • 88 : on ne doit jamais se laisser paralyser par un seul problème, si grave soit-il ; le grand flux de la vie ne doit jamais s’interrompre.
  • 93 : si paradoxal que cela puisse paraître, Spier guérit les gens en leur apprenant à accepter la souffrance.
  • 98 : Être à l’écoute de soi-même. Se laisser guider, non plus par des incitations du monde extérieur, mais par une urgence intérieure. 31/12/1941
  • 104 : les professeurs d’université […] on cherche à les abrutir, à les pénétrer d’un sentiment d’infériorité. Ils sont aujourd’hui internés dans une baraque à courants d’air. On ne leur a même pas laissé un pyjama, ils n’ont droit à aucun effet personnel […] Et la saloperie des autres est aussi en nous. Et je ne vois pas d’autres solutions vraiment aucune autre solution que de rentrer en soi-même et d’extirper de toute son âme toute cette pourriture. Je ne crois pas que nous puissions corriger quoi que ce soit du monde extérieur, que nous n’ayons d’abord corrigé en nous. L’unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-mêmes et pas ailleurs. 19 février 1942.
  • 106 : face à un agent de la Gestapo qui saisissait tous les prétextes pour abrutir de cris ces malheureux juifs : « pas de mains dans les poches ! etc. » Quand ce fut mon tour, il me lança en rugissant « Qu’est-ce que vous pouvez bien trouver de risible ici? »  […] J’avais envie de lui répondre « A part vous, rien » Non pas subir les rugissements d’un misérable Gestapiste, mais bien d’avoir pitié de lui, au lieu de m‘indigner. 27 février 1942.
  • 109 : Quand on a une vie intérieure, peu importe, sans doute, de quel côté des grilles d’un camp on se trouve.
  • 122 : Pour humilier, il faut être deux. Celui qui humilie et celui que l’on veut humilier mais surtout celui qui veut bien se laisser humilier. […] On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels […] Et pourtant la vraie spoliation, c’est nous-même qui nous l’infligeons. 20 juin 1942.
  • 134 : Même si on ne nous laisse qu’une ruelle exigüe à arpenter, au-dessus d’elle, il y aura le ciel tout entier.
  • 141 : La plupart des occidentaux ignorent l’art de souffrir, tout ce qu’ils savent, c’est se ronger d’angoisse.
  • 142 : On veut notre extermination totale. Il faut accepter cette vérité et cela ira déjà mieux. 3 juillet 1942
  • 178 : l’occidental n’accepte pas la souffrance comme inhérente à cette vie. C’est pourquoi il est incapable de puiser des forces positives dans la souffrance. 14 juillet 1942
  • 184 : je voudrais tant survivre pour transmettre à cette nouvelle époque toute l’humanité que j’ai préservée en moi malgré les faits dont je suis témoin chaque jour. C’est aussi le seul moyen de préparer les temps nouveaux : les préparer déjà en nous. Je suis intérieurement si légère, si parfaitement exempte de rancœur. J’ai tant de force et d’amour en moi. J’aimerais tant vivre, […] transmettre cette part indestructible de moi-même : car ils viendront, certainement. Ne se lèvent-ils pas déjà en moi, jour après jour ? 20 juillet 1942
  • 187 : Mon Dieu, […] ôte donc de moi ces soucis, car s’il me fallait les traîner en plus de tout le reste, la vie ne serait plus possible ! 22 juillet 1942
  • 198 : Et dire que l’année écoulée a justement été la plus décisive de ma vie, ma plus belle année ! 28/7/1942
  • 208 : ma vie n’est qu’une perpétuelle écoute « au-dedans » de moi-même, des autres, de Dieu. […] je voudrais pouvoir décrire ces deux mois passés derrière les barbelés, les plus intenses et les plus riches de ma vie. 17/9/42
  • 217 : il débordait de haine pour ceux que nous pourrions appeler nos bourreaux, mais lui-même eut fait un parfait bourreau et un persécuteur modèle. 23 septembre 1942
  • 223 : quand on veut avoir une influence morale sur les autres, il faut s’attaquer sérieusement à sa morale personnelle. 25 septembre 1942
  • 227 : notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les tendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette pais irradie vers les autres. 29 septembre 1942
  • 29 : j’ai un devoir véritable, c’est bien d’écrire, de noter, de fixer. […] Je sens croitre en moi le sentiment de mes obligations vis-à-vis de ce qu’il faut bien appeler mes talents. 30 septembre 1942