Plusieurs auteurs évoquent les conflits politiques, en exposant la manière dont ils ont facilité la compréhension mutuelle entre les ennemis.

  • Adam Kahane en Afrique du Sud, en Colombie, en Israël et ailleurs
  • Arnold et Amy Mindell en 1990 en Russie
  • Jean-Jacques Samuel au Vénézuela
  • …/…

Beaucoup d’entre eux ont témoigné sur les méthodes qu’ils ont utilisées mais peu d’entre eux ont comparé diverses méthodes. C’est ce que nous nous proposons modestement de faire, en commençant par le travail de Mindell en Russie dans les années 1990;

  • En 1990, lors d’une rencontre organisée par le comité pour la paix des ex-pays soviétiques, notre investigation de la vengeance produisit des résultats inattendus, sans doute transposables à d’autres conflits. […] L’atmosphère était tendue. Beaucoup de délégués russes aient été engagés dans des batailles sanglantes […] d’anciens membres du KGB tinrent des propos qui firent frissonner les participants. […] Pour briser la tension Amy et moi avons invité les vingt délégués du Caucase à s’asseoir par terre. Comme ils avaient l’habitude de discuter devant une table de réunion ou autour d’un verre, ils furent d’abord intimidés puis, ils se mirent à parler avec leur cœur. Amy et moi furent touchés. Nous étions attentifs à l’atmosphère et aux intentions cachées. Après que chacun ait pu largement s’exprimer, nous avons signalé qu’ils avaient mentionné directement ou indirectement plusieurs rôles fantômes qui étaient présents dans le groupe, mais que personne ne représentait. Un de ces rôles était le terroriste. Les gens parlaient de violents combattants de la liberté issus de petits pays qui risquaient leur vie pour se venger des blessures causées par la Russie et son refus de leur laisser l’indépendance. Le rôle du dictateur était aussi présent car les délégués parlaient sans le nommer de l’impérialisme soviétique […] Nous avons suggéré d’incarner ces rôles en les faisant jouer. Au début les délégué résistèrent à prendre un rôle autre que le leur. […] Un des participants essaya cependant, puis le groupe se divisa en trois partie jouant les trois rôles [officiel, terroriste et comité central du parti communiste] Au début, chacun parlait à son tour, d’autres s’ennuyaient, quittaient la salle, lisaient le journal… Puis nous avons permis que plusieurs puissent parler en même temps. Un nouveau style de communication s’instaura. La politesse et le conformisme cédèrent la place à un dialogue effrayant où les représentants du comité central et le terrorisme craignaient de coopérer o du de se venger : « Si vous osez, ce sera la fin ».  Soudain, la situation changea de place et quitta le groupe des terroristes pour rejoindre la direction du comité central en disant « vous devez tous suivre les ordres du comité central » Quelque part, les gens se sentirent mieux en entendant clairement ce qu’ils voulaient combattre. Autrement, le dictateur était un fantôme qu’ils ne pouvaient attraper. Alors, il y eut beaucoup de mouvement dans la salle. Plusieurs délégués rejoignirent les rangs des terroristes.  Ils osèrent tancer le dictateur. L’un des acteurs jouant le rôle du dictateur est devenu si têtu, arrogant et privilégié que, pour gagner sa revanche, un acteur jouant le terroriste l’a soulevé en l’air et l’a ramené à son ancienne position. Tout le monde a éclaté de rire. Le dictateur semblait impotent, en se débattant sur les épaules du terroriste. Les spectateurs étaient si excités qu’ils n’attendaient même plus les traductions du russes vers les autres langues. Même si nous ne comprenions pas le russe, Amy et moi voyions bien qu’ils étaient déchaînés. Le groupe découvrit une piste de solution quand les acteurs inventèrent un nouveau rôle, celui du citoyen affamé. Un délégué mima une scène tragique, étendu sur le sol, espérant et attendant la mort de faim. Les gens qui jouaient le rôle de terroristes se mirent à nourrir cette personne crevant de faim. Finalement, l’exercice se termina, aussi vite qu’il avait commencé, au bout des 45 mn prévues. Tous les participants, y compris les hauts dignitaires moscovites, comprirent qu’ils avaient tous perdu le contact avec ceux qui souffrent et qui sont marginalisés.  A travers l’exercice, ils ont reconnecté avec le seul motif qu’ils avaient de travailler ensemble : prendre soin des pauvres et des souffrants. De nombreux participants ont été profondément touchés non seulement par la résolution du problème, mais par la capacité du grand groupe à dépasser les phénomènes de pouvoirs et de vengeance. Ils semblaient prêts, désormais, à rechercher ensemble des solutions qui conviennent à la fois aux courants dominants mais aussi aux marginalisés. Dans les trois jours qui ont suivi, ils ont créé une organisation basée à Moscou et appelée « Si ce n’est nous, qui d’autre ?). les délégués ont également préparé un manifeste sur la paix, la liberté et la négociation, lequel a été ensuite signé par Edward Chevardnadze, Président de Géorgie et ancien ministre des affaires étrangères de l’URSS. (p. 82-87)