Médiateur de l’âme

Morceaux choisis du livre de Jacquelinde Morineau « Le médiateur de l’âme

Aimer humanise, divinise, ouvre à l’esprit, au plus intime de notre être. Mais l’amour s’apprend, il nécessite un long chemin pour passer du moi égoïste, possessif au moi oblatif qui donne et non pas qui prend (p 33)

A 22 ans, après avoir perdu toute ma famille, je m’étais sentie maudite puisque tout le monde se mourrait autour de moi. (p. 58) Maudite, je me sentais ! Tout le monde mourrait autour de moi, moi, je devais bien y être pour quelque-chose. (p. 44)

Certains ont tout reçu à la naissance, puis ils ont tout perdu, tel fut mon cas. Ils reconstruisent et perdent alors jusqu’au jour où ils comprennent qu’il faut essayer de reconstruire autrement. D’autres ont encore reçu et ont détruit, mais ils refusent de le reconnaître et en tiennent les autres responsables, c’est tellement plus facile. Peut-on enfin arriver à une catégorie plus humble, celle des petits, des besogneux, qui ont compris que le bonheur se construit chaque jour à la sueur de son front, en commençant par la rencontre avec soi-même ? (p. 49)

L’homme d’aujourd’hui, trop souvent immergé dans un matérialisme effréné, ne peut que constater l’échec de sa quête du bonheur ? et commencer à remettre en question ce qu’il crée. Il ressent le besoin de chercher ailleurs ce bonheur qui le fuit. Le règne du mental, qui a donné naissance à ce nouveau mode de vie, ne le satisfait pas, la rationalité a évacué la spiritualité. L’homme reste sans réponse à sa quête du salut. Dans son vide existentiel, le « trou de l’être » disait Sartre, il garde l’intuition du Mystère, mais il est incapable de lui donner sa place. (p. 52)

Méditer, c’est aussi le libérer du monde des pensées, dont certaines font tant souffrir, pour retrouver la source de vie qui est en soi. Les émotions envahissent, enchaînent. Mis face à soi-même, la méditation peut donner accès à la prise de conscience du combat qui se livre. (P. 53)

Le corps est souvent un grand abandonné. Dans notre éducation, nous cultivons intensément l’intellect et nous oublions le corps et ses émotions. Combien de temps notre programme scolaire leur a-t-il consacré ? (p. 54)

Découvrir sa capacité à arrêter un cycle de pensées qui torturent est un cadeau sans prix. (p. 55)

Un phénomène nouveau se développait. Peu à peu, je devenais le miroir de mon propre scénario. Je le vivais à travers une distance qui se créait entre lui et moi, j’étais devenue consciente de mes divagations. Cette prise de conscience a été une étape importante. Il y avait deux « moi » : l’acteur et le spectateur. (p. 56)

Avec un peu d’effort, en me concentrant sur ma verticalité et ma respiration, il devenait possible de me libérer de mes pensées et de retrouver la terre bénie de l’autre vide, non pas le néant, l’abîme mais la vacuité, réceptacle du tout possible. Cela valait mieux que tous ces calmants et somnifères, sans effet secondaire. (p. 57)

Personne n’est plus esclave que l’esclave qui se croit libre (p. 59)

Les Pythagoriciens avec déjà intégré des Perses, mais aussi des Egyptiens, l’image du souverain, « figure vivante de la loi » en tant que représentation et révélation divines. Lui seul, par son incarnation, est capable de transmettre l’image divine à son peuple. Etant le miroir de cette image, il devient le médiateur entre l’homme et Dieu ; Socrate et Platon reconnaissaient avec Pythagore, que l’objectif final de toute vie est de devenir de plus en plus à l’image de Dieu. (p. 61)

Le combat qui fait rage entre notre condition mortelle et notre désir d’immortalité ne peut trouver un sens que si nous découvrons en nous une dimension pour y répondre. (p. 63)

La mort et la vie pouvaient cohabiter dans une relation nouvelle et non plus dans la négation de l’une ou de l’autre !ais, bien au contraire, dans un enrichissement mutuel permanent. (p. 65)

En un an [dans le centre d’accueil de Brixton, avec les jeunes sortant de prison], j’ai plus appris que pendant toute mes années d’études, mais aussi pendant ma vie. (p. 72] …/… Si le manque d’amour (au moins dans son état de manifestation) avait fait mourir une partie de moi-même à la mort de ma mère, c’est le don d’amour et la générosité de ces jeunes qui m’ont aidée à revenir au présent, c’est-à-dire à la vie des hommes. Ils m’ont révélé mon identité, celle qui m’avait été donnée depuis le temps des origines. (p. 75)

On me proposa de …/… créer le premier organisme en France d’aide aux victimes et de médiation pénale. (p. 76) ; Pour désamorcer  une bagarre, un conflit, je n’avais aucune préparation, ma réaction avait été entièrement instinctive, peut-être de ‘ordre de la survie, comme celle des animaux. La médiation intuitive était née à mon insu ! Le plus étonnant est que cette méthode marchait souvent très bien. Ma première prise de conscience était venue du lien fondamental qui existe en souffrance et violence. Les deux étaient indissociables. J’avais entendu les cris des jeunes et les explosions qui en suivaient ? L’idée très simple m’est venue de donner son espace au cri, pour éviter l’explosion. (p. 77)

Pour remplir son aspiration profonde « que justice soit faite », le citoyen se tourne souvent vers la justice. Moins que jamais celle-ci n’a vocation ni l capacité de donner sa place au cri, qui est derrière la plainte et qui devient de plus en plus celui d’une société en mal d’être. (P. 80)

Il est impossible d’ignorer le cri si on veut faire œuvre de justice. Car il est impossible d’offrir une décision qui soit dans la vérité de l’histoire du plaignant sans la connaître, puisqu’elle n’a aps été entendue. …/… Si le cri du plaignant ne trouve pas l’espace pour s’exprimer, il risque de rester « en travers de la gorge » et de « l’étouffer ». Image facile de la réalité mais, combien révélatrice de la réalité ! Le corps et l’âme ont besoin de parler. (p. 81)

On en revient à la conception de Platon pour qui la justice, c’est que chacune des parties de l’âme accomplisse simultanément l’action qui lui est propre… » (p. 81 et Plottin, 1, 2, 14-18)

Les obstacles que nous rencontrons au cours des crises de la vie sont toujours des signes. Ils sont souvent personnifiés par un proche. Si nous apprenons à lire ces signes, ils nous aideront à la rencontre avec nous-même, mais aussi avec l’adversaire qui peut en devenir le catalyseur. La médiation offre la possibilité de ne pas prendre la fuite et de découvrir que toute notre souffrance peut être à l’origine de transformation et de croissance. (p. 82)

La vérité est intimement liée au besoin de justice des gens. Leur demande est toujours la même : que la vérité soit établie, que la justice soit faite, les deux deviennent synonymes dans leur esprit. (p. 90) La recherche de vérité …/… est exigeante et nécessite une implication qui dépasse largement la seule application de la loi. (p. 91)

Par la médiation, la Justice propose de rendre aux protagonistes le droit, mais aussi la capacité de participer à un processus de transformation. (p. 92)

Être médiateur, faire de la médiation, est ainsi devenu un rôle de responsabilité pour rendre à l’homme son humanité, sa dignité, sa place dans la société en tant qu’artisan de paix au quotidien, et participer à l’œuvre de justice sur cette terre. (p. 94)

[La médiation] a existé depuis les temps les plus anciens sous des formes multiples. Le mot était déjà inscrit sur les tablettes d’argile sumériennes, il y a 4000 ans. La fonction du médiateur permettait alors de relier l’humain au divin. Telle était aussi la fonction sacerdotale du prêtre dans la Bible. (p. 94)

Les médiateurs ont besoin d’apprendre à sortir de soi-même, à s’oublier, pour devenir transparent, miroir limpide, afin de recevoir l’image de l’autre, sa souffrance. (p. 148)

Si le corps pouvait retrouver sa place [à l’église], combien de jeunes pourraient-ils se retrouver la possibilité d’assouvir leur aspiration d’absolu à travers la célébration eucharistique plutôt qu’à travers un happening run » ?