LUCIE ATTIKPA-TETEGAN

MEMOIRE DE FIN D’ETUDES DE MEDIATION

CERFOPMAN – Diplôme universitaire de médiation 

promotion 2017

THÈME : 

QUEL APPORT DE LA  MÉDIATION AU SECTEUR  DE LA PÊCHE ARTISANALE  EN CÔTE-D’IVOIRE ? 

DÉDICACE

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– A mon Seigneur et mon Dieu qui m’a inspirée cet engagement dans la voie de la  médiation, qui m’a donné la santé et la force de suivre les cours et d’écrire les  quelques lignes que vous allez parcourir.

– A mon époux, Gaétan Georges TETEGAN et mes enfants, Marion, Yves et Ketsia qui  m’ont soutenue et m’ont encouragée dans les moments difficiles.

– A maître Michel Tchicaya, en qui je voyais depuis des années, la joie du médiateur,  lorsqu’il a aidé à reconstruire des ponts humains brisés, alors que je n’étais pas  encore familière à ce métier.

REMERCIEMENTS 

A tous nos formateurs d’ici comme d’ailleurs pour tout le sacrifice consenti

 

LISTE DES ABBREVIATIONS 

ADEPA Association ouest africaine pour le développement de la  pêche artisanale

ANOPACI Association nationale des organisations paysannes de Côte d’Ivoire

CAMCO Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de  Ouagadougou

CERFOPMAN Centre de recherche et de formation en médiation, arbitrage  et négociation

COFI Comité des pêches de la FAO

COMHAFAT Conférence ministérielle sur la coopération halieutique  entre les Etats africains riverains de l’Océan Atlantique

CPCO Comité des pêches du Centre Ouest du Golfe de Guinée CRODT Centre de recherche océanographique de Dakar-Tiaroye CSRP Commission sous régionale des pêches

FAO Fonds des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

F CFA Franc des colonies françaises d’Afrique et actuelle monnaie  des pays de la zone UEMOA (Union économique et monétaire  ouest africaine) et des pays francophones de l’Afrique centrale

FIRCA Fonds interprofessionnel pour la recherche et le conseil agricole

ICP Institut catholique de Paris

ID Idem

IFOMENE Institut de formation à la médiation et à la négociation INN Pêche illicite, non déclarée, non réglementée ONG Organisation non gouvernementale OPEMA Office des pêches maritimes

  1. Page

PIB Produit intérieur brut

PND Programme national de développement PSDA Programme de développement de la pêche artisanale PDPA Plan directeur de la pêche et de l’aquaculture SYMAPECI Syndicat des marins pêcheurs de Cote d’Ivoire UCAO Université catholique de l’Afrique de l’Ouest USD Dollar américain

ZEE Zone économique exclusive

 

SOMMAIRE 

DEDICACE

REMERCIEMENTS

LISTE DES ABBREVIATIONS

PREAMBULE

INTRODUCTION PARTIE I

CHAPITRE I – DEFINITION ET HISTORIQUE DE LA PECHE ARTISANALE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET  EN COTE D’IVOIRE.

1-1 Définition de la pêche artisanale

1-2 Historique de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest et en Côte-d’Ivoire

1-2-1 Historique de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest

1-2-1-1 La Guinée, carrefour de migration

1-2-2 Historique de la pêche artisanale en Côte-d’Ivoire

CHAPITRE II – CONTEXTE DE LA PECHE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET EN COTE D’IVOIRE

2-1 Contexte de la pêche en Afrique de l’Ouest.

2-1-1 Quelques données mondiales et africaines

2-1-2 En Afrique de l’Ouest

2-1-2-1 Les pêcheries et leurs caractéristiques

2-1-2-2 La place de la pèche dans l‘économique et la sécurité alimentaire en Afrique de  l’Ouest

2-1-2-3 Les emplois créés par la pêche en Afrique de l’Ouest

2-1-2-4 Menaces et incertitudes pour la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest

2-1-2-5 Difficultés de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest

2-1-2-6 Naissance de plusieurs institutions régionales de pèche

2-1-2-7 Quelques insuffisances du secteur

2-2 Contexte de la pêche en Côte-d’Ivoire

CHAPITRE III – ORGANISATION DES ACTEURS DE LA PECHE EN COTE D’IVOIRE

3-1 Pêche industrielle

3-1-1 Le Syndicat des marins pécheurs de Cote d’Ivoire

3-1-2 L’Union des armateurs a la pêche fraiche..

3-2 Pêche artisanale

CHAPITRE IV – TYPOLOGIE DES CONFLITS DANS LA PECHE EN COTE D’IVOIRE

4-1 Conflit administration/Acteurs de la pêche artisanale

4-2 Conflit pêche industrielle / pêche artisanale

4-3 Conflit entre acteurs eux-mêmes

4-4 Confits pécheurs ivoiriens / pécheurs étrangers / pécheurs bozo

PARTIE II

CHAPITRE I – DIFFERENTS MODES DE RESOLUTION DES CONFLITS

1-1 La médiation

1-1-1 Médiation judiciaire

1-1-2 Médiation conventionnelle

1-2 Lien entre discussion / négociation directe et médiation

1-3 Lien entre conciliation et médiation

1-3-1 Différence dans la mise en œuvre de la conciliation et de la médiation ………………..

1-3-1-1 Mise en œuvre de la conciliation

1-3-1-2 Mise en œuvre de la médiation

1-4 L’arbitrage

1-4-1 L’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage de l’OHADA .

1-5 Le jugement

1-5-1 Avantages et limites de la décision de justice

1-6 La convention de procédure participative

CHAPITRE II – MOYENS DE REGLEMENT DES CONFLITS EXISTANT DANS LA PECHE ARTISANALE EN  COTE D’IVOIRE

2-1 Règlement devant les chefs traditionnels

2-2 Règlement sous l’arbre à palabres

2-3 Règlement devant le Préfet et l’administration des pêches

2-4 Lutte contre la pêche INN

2.5 La réglementation et les mesures de sécurité

2-5-1 La réglementation

2-5-2 Règlement de la question de la sécurité

CHAPITRE III- LES TECHNIQUES MODERNES DE MEDIATION COMME MOYENS DURABLES DE  REGLEMENT DES CONFLITS DE LA PECHE ARTISANALE.

3.1 La loi sur la médiation en Côte-d’Ivoire, un facteur favorable

3-1-1 Les conditions pour être médiateur

3-1-2 Le cadre

3-1-3 Médiation judiciaire ou conventionnelle

3-1-3-1 La médiation judiciaire

3-1-3-2 La médiation conventionnelle

3-2 Les outils de la médiation

3-2-1 Le médiateur lui-même

3-2-2 L’écoute active

3-2-3 La reformulation

3-2-4 Le questionnement

3-2-5 La validation

3-3 Les phases de la médiation

3-4 Médiation et prévention des conflits dans le secteur de la pêche artisanale

3-4-1 La responsabilité des parties

3-4-2 La médiation de prévention des conflits

4-1 Adapter les techniques de communication à l’environnement de la pêche artisanale

4-1-1 La question de la confiance.

4-1-2 Attention au langage

4-1-3 La médiation de groupe .

4-1-4 L’expérience du CAMCO avec les coopératives au Burkina Faso

4-2 Sensibilisation et formation en médiation pour les communautés de pécheurs.

4-2-1 La question du financement de la promotion de la médiation.

4-2-2 Enseigner la médiation dans les écoles et les universités

CONCLUSION

ANNEXES.

BIBLIOGRAPHIE.

 

PREAMBULE  

L’exercice du journalisme, mon premier métier, m’a permis de contribuer indirectement, grâce à mes émissions sur la Radio des Nations Unies (ONUCI FM), à la résolution de  plusieurs conflits. C’est le cas du magazine « Touche pas à mes droits » qui a défrayé la  chronique pendant une décennie en Côte-d’Ivoire. Des cas de conflits vécus notamment par  des femmes et des enfants, au foyer, au travail, en société etc., ont été traités et des pistes  de solutions trouvées, ont aidé à apporter la paix dans bien des cœurs. C’est de là qu’est né,  mon amour pour la médiation.

Par ailleurs, ayant une bonne connaissance du milieu de la pêche artisanale depuis plus de  20 ans pour y avoir exercé, mon domaine de prédilection pour l’exercice de la médiation sera  certainement ce secteur. Un secteur où les activités évoluent de père en fils et où les  populations se regroupent en communautés qui se connaissent depuis des années. Ne dit

on pas que les conflits naissent entre ceux qui se connaissent ? Mon rôle, en tant que  médiateure, sera de reconstruire des liens ancestraux qui auront été brisés.

Les acteurs de la pêche artisanale ont besoin de paix pour renforcer leurs capacités  techniques et participer à leur propre développement, afin d’influencer les décisions portant  sur l’évolution politique, économique et sociale de leur secteur.

 QUEL APPORT DE LA MEDIATION A LA  PECHE ARTISANALE EN COTE D’IVOIRE ?  _________________________________________________________________________

INTRODUCTION 

La Côte-d’Ivoire, au-delà de son ouverture sur l’Océan Atlantique, possède des espaces  lagunaires et continentaux favorables à la pratique de la pêche et de l’aquaculture. Le pays dispose d’une Zone Economique Exclusive (ZEE)1large de 200 000 km2 et d’une  façade maritime de 550 km de côte.

Le réseau hydrographique compte également 3 000 km de fleuves et rivières, 1 200 km2 de  lagunes et 1 760 km2 de lacs, à savoir des réserves d’eaux de barrages hydroélectriques et  hydroagricoles.

L’accès à ces différentes sources d’eaux dépend du type de pêche pratiquée. Ainsi, la pêche  industrielle chalutière et sardinière s’exerce sur le milieu marin, tandis que la pêche  artisanale, la plus importante de toutes les pêches, se pratique sur les milieux marin,  lagunaire et continental.

La Cote d’Ivoire débarque 79 300 tonnes de poisson en moyenne par an (2014). Néanmoins,  le pays reste déficitaire en termes de production halieutique et se trouve contraint de recourir  aux importations pour satisfaire les besoins de sa population sans cesse croissante. La population ivoirienne est de 22,67 millions d’habitants en 2014 (Source : INS/RGPH  2014). Le volume global des importations en 2014 est de 312 571 tonnes. Ces importations  ont couvert 79 % des besoins globaux en protéines halieutiques de la Côte-d’Ivoire. Le  poisson contribue à plus de 50% à la satisfaction des besoins en protéines de la population.  La consommation per capita en 2014 est de 15.9 kg.

Vu le déficit chronique en production halieutique qu’enregistre la Côte-d’Ivoire, le  gouvernement a adopté une stratégie de réduction substantielle de ce déficit par  l’élaboration d’une lettre de politique du secteur des pêches et de l’aquaculture, l’élaboration  d’un Plan Directeur des Pêches et de l’Aquaculture (PDPA) et la mise en place du régime  d’entreprises franches de transformation des produits halieutiques en 2006. Dans le même  registre, une politique hardie de lutte contre la pêche illicite non autorisée et non déclarée  (INN) est engagée depuis 2007. Qui dit pêche illicite, dit pêche interdite, ce qui conduit à des  situations de conflits potentiels.

Ces situations tirent leur origine des intrusions des bateaux de pêches étrangers dans les  eaux nationales, notamment dans la zone réservée à la pêche artisanale, entrainant ainsi  des conflits entre pêche industrielle et pêche artisanale.

1 La mer est divisée en plusieurs zones pour les activités de pêche. La zone côtière est réservée à la  pêche artisanale qui pratique la petite pêche avec des pirogues et la haute mer à la pèche industrielle  qui utilise des bateaux de pêche

Sont également impliqués dans la pêche illicite, les pécheurs nationaux et non nationaux,  exerçant sur le territoire ivoirien, qui utilisent des engins ou d’autres moyens interdits dans  l’exercice de leur métier. A ces conflits s’ajoutent les divergences entre pêcheurs ivoiriens et  non ivoiriens, notamment ghanéens et maliens (Bozo) ; les conflits entre organisations  professionnelles, à savoir les acteurs de la pêche réunis au sein de leurs associations ;  conflits entre administrations et acteurs de la pêche à travers leurs organisations  professionnelles, etc.

Autant de situations de conflits qui minent le secteur de la pêche artisanale en Côte-d’Ivoire  d’où la nécessité d’une médiation au sens moderne et professionnel du terme.

Dans la première partie de ce document, nous aborderons la définition de la pêche  artisanale et son histoire en Afrique de l’ouest et en Côte-d’Ivoire ; deux histoires, voire  contextes, liés à cause des migrations de pêcheurs d’un pays à un autre.

Nous verrons ensuite dans quel contexte évolue cette pêche et comment les acteurs sont  organisés pour faire face à leurs difficultés ? Quels sont les types de conflits rencontrés  dans le secteur ?

Dans la deuxième partie, nous aborderons les tentatives de règlement des conflits en  général et de la pêche artisanale en particulier, pratiquées à date et nous essayerons une  comparaison entre elles et la médiation.

Comment les techniques modernes de médiation peuvent améliorer le règlement de ces  conflits ? Comment, grâce à la médiation, les acteurs de la pêche artisanale en Côte-d’Ivoire  pourront exercer leur activité dans de meilleures conditions et participer sainement aux  décisions politiques et économiques les concernant ?

Et pour finir, nous ferons quelques suggestions et recommandations.

C’est pour répondre à toutes ces préoccupations du secteur que nous avons choisi pour sujet de mémoire de fin d’études de médiation, la pêche artisanale en Côte-d’Ivoire.

A chaque étape, nous procéderons à une analyse pour mettre en lumière ce qui est faisable  et le mieux adapté à cet environnement particulier.

PARTIE I

12 

CHAPITRE I – DEFINITION ET HISTORIQUE DE LA PECHE  ARTISANALE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET EN COTE D’IVOIRE 

Le consommateur qui aime voir du poisson frais à sa table ne se demande guère de quelle  pêche provient ce poisson, pêche artisanale, industrielle ou aquacole, ni comment la pêche a  évolué à travers les âges.

Puisque notre étude porte sur la pêche artisanale, commençons par ce qu’elle signifie.

 

1-1 Définition de la pêche artisanale 

A la différence de la pêche industrielle qui recourt à d’importants moyens dont des bateaux  qui naviguent sur les océans, la pêche artisanale s’appuie sur des embarcations fragiles,  moins coûteuses et disposant de peu de moyens techniques et financiers. Elle se pratique en général à l’aide de pirogue motorisée ou non. A bord de ces  embarcations, le pécheur artisan jette son filet pour pêcher du poisson. Ces techniques  artisanales de pêche ont évolué à travers les temps et selon des différents groupes  ethniques qui ont une forte mobilité à travers l’Afrique de l’Ouest, notamment le long du  Golfe de Guinée.

Baga et Soussou de Guinée, Krou du Libéria, Lébou du Sénégal, Bozo du Mali, Créole et  Ternne de la Sierra Léone, Fanty du Ghana, dominèrent l’activité pour laquelle ils furent  remarquables de par les techniques qu’ils maîtrisaient.

Cette «maîtrise» matérielle des techniques s’accompagnait généralement d’une maîtrise  symbolique des espaces halieutiques sur lesquels s’exerçait l’activité ; d’où la complexité des  rapports entre pêcheurs migrants et autochtones côtiers.

Cette pluralité des groupes de pêcheurs et la diversité des techniques qui furent mobilisées  le long des côtes du Golfe de Guinée fut remarquable. Les pécheurs étrangers, par leurs  techniques professionnelles plus avancées par rapport aux autochtones, finissaient par  dominer l’activité de pêche, ce qui n’était pas du goût de leurs hôtes ; d’où des frictions.  Même si certains pêcheurs migrants se marièrent pour prendre la nationalité de leur pays  d’adoption, l’intégration totale n’était pas toujours évidente. Cette mobilité a une histoire à  travers les âges.

1-2 Historique de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest et en  Côte-d’Ivoire

L’Histoire de la pêche artisanale en Côte-d’Ivoire est intimement liée à celle de l’Afrique de  l’ouest, compte tenu des migrations d’un pays à un autre, des communautés de pêcheurs.  Une histoire qui se concentre sur les peuples de Guinée, positionnée comme un grand pays  de pêche dès les origines.

1-2-1 Historique de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest 

Plusieurs groupes ethniques de pêcheurs artisans se sont succédés en Guinée et se  distinguaient par les techniques de pêche pratiquées.

Ce sont les navigateurs qui, les premiers ont fourni des informations écrites sur les  populations côtières de Guinée et leurs activités maritimes et halieutiques. Ainsi, pour  (CHAUVEAU, 1986 et 1991), « de tous les principaux foyers maritimes qui se sont  développés dans cette partie du continent africain, la Guinée fait figure de pôle de  convergence des techniques de construction, de navigation et de pêche »2.

A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les groupes ethniques autochtones baga et  soussou ainsi que des groupes venus d’ailleurs étaient repérés par GRUVEL (1913) qui  affirme que « l’on peut dénombrer environ 200 pêcheurs baga et soussou travaillant aux  côtés de Sénégalais et de Sierra-Léonais ». De même, il souligne que « l’activité des  autochtones n’est pas comparable à celle des pêcheurs migrants, plus professionnelle »3.

Les Baga et les Soussou utilisaient des arcs, des lances et des harpons, mais ils pêchaient  aussi avec des produits dangereux qui faisaient remonter le poisson à la surface. Ces  pratiques prohibées sont d’ailleurs encore d’usage à nos jours sur la côte ouest africaine. On  note qu’en cette période, les femmes pêchaient également. Leur technique consistait à  avancer en marchant dans l’eau avec un filet conique (petit filet d’une forme incurvée) pour  attraper le poisson. Cette technique peut être observée encore de nos jours dans certains  villages de plusieurs pays dont la Cote d’Ivoire.

Mais l’activité de pêche n’aurait pas tant évolué si des groupes de pêcheurs étrangers ne  s’étaient pas installés, parfois pour de longues durées, sur les côtes de Guinée pour y  pratiquer leur activité.

1-2-1-1 La Guinée, carrefour de migration 

Depuis le XVe siècle, la Guinée est le lieu de migrations de populations et de migrations  saisonnières dirigées vers les activités de commerce, puis, plus tard, au XVIIe et XIXe siècle,  vers des activités de transport et de pêche.

Dès la fin du siècle dernier, en Guinée, les étrangers étaient suffisamment nombreux pour  faire de Conakry une capitale cosmopolite, lieu de rencontre entre l’influence des pays  francophones du nord (Sénégal) et les pays anglophones du sud (Sierra Léone, Libéria puis  plus tard Ghana). Le phénomène migratoire, déjà important, va prendre de l’ampleur.

Les Kru, originaires du Libéria et de la Côte-d’ Ivoire4, sont présents à la fin du XIXe siècle en  Guinée où ils s’engagèrent auprès des traitants et de l’administration coloniale. A l’instar des  Kru de Freetown, ceux de Guinée étaient appréciés dans les métiers liés à la navigation et  aux activités portuaires (MADROLLE, 1895). Ils pratiquèrent aussi la pêche.

A la fin du XIXe siècle et durant la première partie du XXème siècle, les Sénégalais  importèrent en Guinée des filets modernes à larges mailles. L’importance des Sénégalais à  Conakry est significative par l’appellation «grande mosquée sénégalaise» donnée à la  mosquée du quartier de l’hôpital. Ils pêchaient notamment hors de la capitale, dans les  campements et villages du littoral.

Les pêcheurs maliens sont annoncés par GRUVEL (1913). Et POSTEL (1950), lui les  considère « comme la communauté de pêcheurs étrangers la plus importante ». Quant à  DOLLFUS (1952), il affirme « qu’ils constituent 50 % de l’effectif des pêcheurs de Conakry,  essentiellement de l’ethnie Bozo ».

Plusieurs stratégies sont utilisées par ces pêcheurs pour leur intégration et selon leurs  intérêts, chaque fois qu’ils arrivaient dans un nouveau pays.

Dans la plupart des cas, ils se mariaient aux femmes autochtones, ce qui leur facilitait l’accès  à la nationalité de leur pays hôte. Mais il existe d’autres manipulations. Par exemple, les  Guinéens expatriés ou fils d’expatriés qui revenaient au pays, se faisaient passer facilement  comme étrangers lorsqu’il s’agit de faire prévaloir leur connaissance technique en matière de  pêche. Par ailleurs, ils savaient aussi se faire reconnaitre comme autochtones pour intégrer  facilement les équipages de leurs « frères » lorsque cela les arrangeait et selon les espaces  qu’ils fréquentaient.

Dans les années 50, arrivèrent les pêcheurs ghanéens, chassés de la Sierra Léone (4).  Leurs nouvelles technologies dominèrent la pêche en Guinée, enlevant ainsi la suprématie

aux pêcheurs sierra léonais. Moal (1961) signale leur présence sur tout le littoral, de Conakry    à la Sierra Léone. « Le nombre de pêcheurs fanti ne faisait qu’augmenter d’année en  année » confirme-t-il.

 

Ces pêcheurs ghanéens ont établi une entente avec les guinéennes qui leur achetaient leur  production. Cette transaction commerciale facilita leur implantation. Néanmoins, le fait qu’ils  étaient constitués en communautés autonomes, rigides n’a pas aidé à leur intégration, ni à  des alliances matrimoniales comme pour les autres pêcheurs étrangers.

Grace à leurs techniques de pêche, à savoir les filets maillant, ils se sont imposés comme le  groupe ethnique le plus productif. Malheureusement, pour des raisons d’ordre politique entre  la Guinée et le Ghana, les pêcheurs ghanéens furent expulsés de la Guinée.

Au regard de ces mouvements de pêcheurs de diverses ethnies qui allaient et venaient en  Guinée, on comprend aisément comment ces différentes communautés ont atteint les autres  pays de l’Afrique de l’Ouest.

C’est la même mobilité des pêcheurs d’un pays à un autre qui a affecté aussi l’activité en  Côte d’Ivoire.

1-2-2 Historique de la pêche artisanale en Côte-d’Ivoire 

Dès le 19 siècle, les peuples venus du Ghana appelés Fanty, habitaient au sud de la Côte d’Ivoire et avaient pour activité principale la pêche traditionnelle. Associés aux N’ziman, on  les appelait les lagunaires.

Cette pêche utilisait des moyens artisanaux tels que les harpons, les filets confectionnés à  partir de lianes, de raphias etc., d’où le nom évolutif de pêche artisanale. Ces peuples qui  n’avaient aucun moyen de conservation du poisson étaient obligés de les fumer et de les  transporter par pirogue pour les vendre au troc dans d’autres villages. A travers ce trafic, la  pêche artisanale a atteint d’autres contrées et s’est ainsi répandue dans la Côte-d’Ivoire, du  sud au centre du pays.

Par la suite, la Côte d’Ivoire a connu la deuxième vague d’arrivée de pécheurs Fanty du  Ghana en provenance de la mer. Ont suivi en 1982, les sénégalais qui pratiquaient la pêche  lagunaire avec des sennes de plage6 qui ont entraîné le mécontentement des autochtones.  Un conflit qui a fait l’objet d’arrêté préfectoral et ensuite ministériel pour interdire cette  pratique en lagune mais l’autoriser plutôt en mer.

 

Depuis 2016, une loi sur la pêche balise toutes ces pratiques.

 

Toujours dans la vague des immigrations, sont arrivés les pécheurs béninois et togolais qui  ont apporté un nouveau type de pêche crevettière et de crabe. Il s’agit d’un engin posé selon  la direction du courant d’eau.

Une autre vague de pêcheurs, venue du Nord est constituée de maliens appelés Bozo. Dans  leur déplacement, ils se sont limités au centre du pays. Ils sont caractérisés par la pêche  continentale 7.Ce sont les premiers à exploiter ce type de cours d’eau, une pratique  auparavant ignorée des Baoulés autochtones, mais qui se considéraient comme des  propriétaires terriens. D’où la naissance de conflits.

Mais avant d’en arriver aux conflits, voyons d’abord, dans quel contexte se pratique la pèche en Afrique de l’Ouest en général et en Côte d’Ivoire en particulier.

CHAPITRE II – CONTEXTE DE LA PECHE EN AFRIQUE DE L’OUEST  ET EN COTE D’IVOIRE 

2-1 Contexte de la pêche en Afrique de l’Ouest 

L’Afrique de l’Ouest prend une part considérable dans la production mondiale et africaine du  poisson.

2-1-1 Quelques données mondiales et africaines 

 » La pêche artisanale représente à peu près la moitié des prises mondiales. Elle couvre aussi  les deux tiers des produits de la pêche destinés à la consommation humaine directe. Elle  emploie, au niveau mondial, plus de 90% des pêcheurs et autres travailleurs de la pêche,  dont environ la moitié est constituée de femmes. Au niveau du continent Africain, la pêche  artisanale compte pour plus de 60 % de la production des pêcheurs de l’Afrique et la quasi totalité des prises du secteur est destinée à la consommation humaine »8

Les communautés de la pêche artisanale tirent de cette activité leur subsistance et certaines  parmi elles en vivent décemment selon les pays. Par exemple en Afrique, elle emploie  environ dix millions de personnes.

Au plan alimentaire, environ 200 millions d’Africains se nourrissent de poisson comme  principal source de protéines. Dans cet approvisionnement au niveau des ménages, les  femmes jouent un rôle important puisqu’elles s’occupent de la transformation du poisson.

Cependant, le secteur connait quelques difficultés ; ce qui l’empêche de jouer véritablement  son rôle économique dans certains pays de la région ouest africaine. Quelques constats :

Les communautés vivant de la pêche artisanale, dans de nombreux pays de l’Afrique  continuent à être marginalisées et vulnérables, souvent implantées dans des zones reculées  elles n’ont généralement qu’un accès limité ou difficile aux marchés, aux structures  d’organisation insuffisantes la santé, l’éducation et d’autres services sociaux.

Le potentiel de contribution de la pêche artisanale à la sécurité alimentaire à la nutrition, à  l’éradication de la pauvreté, au développement équitable et à l’utilisation durable des  ressources n’est pas pleinement réalisé. Considérant l’importance de la pêche artisanale en  Afrique et la nécessité de promouvoir son développement de manière durable, l’Union  Africaine a hissé la pêche artisanale au rang d’arène prioritaire du Cadre politique et de la  stratégie de réforme de la pêche et de l’aquaculture, adopté en juin 2014. L’objectif principal  de cette politique panafricaine est de renforcer la contribution de la pêche artisanale à la  réduction de la pauvreté, à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et aux avantages socio économiques, en particulier pour les communautés de pêcheurs.

2-1-2 En Afrique de l’Ouest 

La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest s’étend de la Mauritanie au Nord, au Nigéria au  Sud. Au total seize (16) pays dont 13 bordent la côte Est de l’océan atlantique, avec un litto ral total de 6.400 km2 et un total de plateforme continentale de 301.000 km2. Trois pays  sans littoral, donc sans accès aux ressources marines, à savoir le Burkina Faso, le Niger et  le Mali.

« Dans la région ouest africaine, la consommation annuelle moyenne de poisson par tête  d’habitant est estimée à 9,2 Kg. Le poisson y est la première source de protéines animales.  La pêche côtière occupe directement 5% de la population active dans la région où les prises  de poisson sont estimées à 2 millions de tonnes par an dont plus de 70 % proviennent de la  pêche artisanale ».9

En Afrique de l’Ouest, la pêche artisanale procure globalement du travail à plus de 5 millions  de personnes. Les activités de la pêche artisanale sont partagées entre les hommes et les  femmes. Les hommes sont essentiellement impliqués dans la capture tandis que les femmes  sont dans les activités post-captures à savoir la transformation et la vente de poisson.

2-1-2-1 Les pêcheries et leurs caractéristiques 

La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest, porte essentiellement sur les petits pélagiques mais aussi sur les poissons de haute qualité. L’essentiel du poisson consommé dans la  région provient de la pêche artisanale. Les différences les plus spectaculaires s’observent au  Sénégal et en Sierra Leone. « Au Sénégal, sur une période de dix ans, les débarquements  de la pêche industrielle avoisinent 50.000 tonnes, contre 350.000 tonnes pour la pêche  artisanale. La même tendance s’observe en Sierra Leone, où la pêche artisanale enregistre  des débarquements annuels huit fois plus importants que la pêche industrielle. Par contre en  Mauritanie, les résultats sont tout autre, car la pêche industrielle est passée en 1994 de  400.000 tonnes à 1.000.000 de tonnes en 2009, contre seulement 40.000 pour la pêche  artisanale. »

Au Niger, un des pays de l’hinterland, qui ne dispose que du fleuve Niger et des mares  permanentes en termes de cours d’eau, la pêche contribue à l’économie nationale comme  l’indiquent ces quelques chiffres :

exportation du poisson fumé vers le Nigéria en 2013 : 7.409.225.000 FCFA11 recettes douanières au titre du poisson : 102.241.297 F CFA.

30% de la production est destinée à la consommation des ménages12.

Et pourtant, l’Etat nigérien ne lui a pas accordé la considération requise au point où depuis  une dizaine d’années, la production a baissé de 60% à cause de la dégradation du fleuve  Niger qui a affecté le milieu aquatique.

Certes, il y a eu quelques activités d’empoissonnement de mares dans certaines zones du  pays, mais cette pratique n’est pas suivie et n’a pas pris en compte les mesures techniques  modernes de pisciculture.

En Guinée Bissau, on note 1 310 bateaux pour 3 930 pêcheurs. On note en sus que 19 239  personnes travaillent directement dans la pêche.

Pour le Cap Vert, la pêche fait vivre 3 108 pêcheurs qui utilisent 1 036 embarcations.

Au Bénin, la pêche artisanale se pratique autant en mer que dans les fleuves, les lacs, et les  rivières. Cependant la production n’est pas importante compte tenu d’un manque de  stratégie politique.

Du coté des acteurs, on constate une mauvaise organisation. Cela est peut-être dû à la  multiplicité de l’origine des pêcheurs et du manque de concentration des sites :

« La pêche artisanale maritime au Bénin est pratiquée à partir de 80 campements de  pêcheurs disséminés dans les quatre départements côtiers du Bénin. On comptait en 2007,  4 345 artisans pêcheurs opérant en mer dont 2 234 Béninois (51,4%), 1 993 Ghanéens  (46%), 115 Togolais (2,54%) et 3 Nigérians (0,06%). »13

Cette inorganisation a pour conséquence les résultats suivants :

– une évolution anarchique de la production due à un suivi peu rigoureux voire inefficace de  la pêche;

– une méconnaissance des fonds de pêche;

– une mauvaise organisation socioprofessionnelle dans le domaine.

La production de la pêche artisanale au Bénin est estimée à près de 30 000 tonnes par an.  La pêche maritime industrielle, quant à elle, est peu développée et ne dépasse guère « 40  marées en moyenne pour les dix (10) dernières années et le débarquement annuel se situe  autour de 600 tonnes de poisson, ne représentant que 8% du total de la pêche maritime. »14

2-1-2-2 La place de la pêche dans l‘économique et la sécurité alimentaire en Afrique  de l’Ouest 

La pêche dans son ensemble, et en particulier la pêche artisanale, est la plus grande  pourvoyeuse de protéine animale en Afrique de l’Ouest au regard des chiffres suivants :

Sénégal : apport dans l’alimentation des populations, 75%,

Sierra Leone : 63%

Cap vert : 50%.

La consommation moyenne de poisson par habitant dans la sous-région est généralement  assez élevée et dépasse souvent le niveau mondial (16 kg)15.

Voyons l’exemple de la consommation de poisson par tête d’habitant dans quelques pays : Sénégal : 27 kg,

Sierra Leone: 22,6 kg,

Guinée Bissau : 26 kg,

Cap Vert :22 kg,

Guinée Conakry : 13 kg

Cependant, dans les zones côtières, cette moyenne cache des pics assez élevés et peut  atteindre 45 kg en zone maritime.

 

On peut donc affirmer qu’en Afrique de l’Ouest, le poisson occupe une place importante dans  l’atteinte de la sécurité alimentaire. Selon la définition adoptée par le Sommet mondial de  l’alimentation (1996), “la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout  moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur  permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour  mener une vie saine et active”. 

Compare au cout de la viande dans la sous-région, celui du poisson est plus abordable pour  la plupart des pays africains où de nombreuses populations souffrent de problèmes de  malnutrition temporaire ou chronique. La disponibilité du poisson est donc un facteur  déterminant de la sécurité alimentaire.

Quant au poids de la pêche sur l’économie des pays de la zone, il se manifeste comme suit :

Au Sénégal, c’est la « première ressource d’exportation. Elle participe ainsi à la réduction du  déséquilibre de la balance commerciale »16.

En Gambie, le volume total d’exportation du poisson a été en 2010 de 3 563 tonnes En Guinée Bissau, la pêche contribue pour 40% du budget de l’Etat

En Mauritanie, les produits halieutiques ont constitué 18% des exportations totales du pays  entre 2006 et 2009.

En Sierra Leone, les exportations ont atteint en 2006, une quantité de 4 282 tonnes de  poissons estimées à 13 420 652 USD.

Il faut cependant noter qu’en ce qui concerne la pêche industrielle dans plusieurs pays, les  captures prélevées dans les ZEE par les flottes étrangères sont directement exportées sans  aucun contrôle des pays concernés. Ce sont les effets de la pèche INN17 , source de  mécontentement de la part des acteurs de la pêche artisanale.

2-1-2-3 Les emplois créés par la pêche en Afrique de l’Ouest 

La pêche artisanale procure globalement du travail à plus de 5 millions de personnes. Les  activités de la pêche artisanale sont partagées entre hommes et femmes. Les hommes sont  essentiellement impliqués dans la capture. Dans ce domaine, le rôle de la pêche artisanale  est de loin le plus important comparé à celui de la pêche industrielle dans l’ensemble des  pays de la sous-région.

De manière générale, trois sous-secteurs sont cités :

la capture (pêche),

le mareyage,

la transformation des produits halieutiques.

Il faut aussi relever les activités connexes comme la réparation et la fabrication des pirogues  et des filets, la vente d’intrants et d’équipements de pêche, l’installation et la réparation des  moteurs.

Cependant, mis à part la Sierra Leone (188.000 emplois créés en 2008), la création d’emploi  est partout en baisse dans le secteur.

En termes d’emplois directs créés, nous pouvons relever :

Guinée Bissau : 18 000 emplois (2006),

Guinée Conakry : 112 000

Sénégal : 600 000 (2005), dont 40 000 femmes transformatrices, 10 000 mareyeurs, 400  mécaniciens de moteur hors-bord, 500 charpentiers pour la construction des pirogues et des  milliers d’autres acteurs opérant à la périphérie du secteur.

Certains métiers périphériques ont un lien direct avec la pêche comme l’avitaillement en  matériaux et équipement de pêche, la vente d’emballage, la quincaillerie, le portage et le  transport par charrette des produits de la pêche. Dans la même lancée, pour d’autres  métiers la présence du poisson a favorisé leur émergence sur les plages (restauration,  commerce de légumes, vente d’eau et de jus, vente d’habits, la gestion de centres  téléphoniques et de salles de jeux, entre autres).

Plus d’une quarantaine de métiers a été dénombré dans les grands centres de pêche.

– Bénin environ 57 500 pêcheurs et une centaine de femmes qui rivalisent avec les hommes  sur le lac Ahémé et la lagune côtière en faisant la pêche aux crabes et aux huîtres. Environ  40 000 femmes sont impliquées dans la filière pêche. Par ailleurs, cette pêche continentale  fait vivre en amont et en aval plus de 300 000 personnes représentées par les vendeurs de  matériel de pêche, les fabricants de pirogues, les transformatrices et vendeuses de  poissons, les écailleuses de poissons, etc.

Globalement, la pêche assure des revenus à près de 15 % de la population active ouest  africaine. Le nombre d’emplois de ce secteur est estimé à plus d’un million d’emplois (directs et indirects) dans les pays de la CSRP (Commission sous régionale des pêches). Si on  considère que chaque travailleur prend en charge cinq personnes, c’est environ 5 millions de  personnes qui vivent de la pêche dans cette zone de l’Afrique de l’Ouest.

Malgré ces performances, d’importantes menaces pèsent sur la pêche artisanale en Afrique  de l’Ouest.

2-1-2-4 Menaces et incertitudes pour la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest. 

Ces menaces ont pour nom : la surexploitation des ressources halieutiques tant par la pêche  artisanale elle-même que par la pêche industrielle et la pêche illicite, non déclarée, non auto risée (INN).

En dehors de ce grand fléau qu’est la surexploitation des ressources, les artisans pêcheurs  ouest africains sont désormais confrontés à de nouveaux défis. Il s’agit des menaces que  font peser sur l’environnement, le développement des activités industrielles et la concurrence  du tourisme et de la pêche à grande échelle.

Autant de pratiques qui doivent faire réfléchir le législateur s’il veut continuer à protéger la  ressource. De nouvelles lois doivent être prises sur l’accès à la mer pour faire face à ces  nouveaux périls.

Ces nouvelles dérives en ce qui concerne l’industrialisation proviennent de la dégradation de  l’environnement causée notamment par les rejets industriels ou encore par l’existence de  forages pétroliers qui affectent la faune aquatique, entraînant directement ou indirectement  une raréfaction du poisson.

Quant au tourisme, il constitue également un danger pour le pêcheur artisan ouest africain. Il  s’agit ici de la pratique de la pêche sous-marine de plaisance dans les eaux normalement  réservées à la pêche artisanale. La pratique de ce sport disposant d’un matériel sophistiqué  (fusils de chasse sous-marins, réserves d’oxygène) représente une concurrence déloyale  pour la pêche artisanale. En effet, le produit de cette forme de pêche liée au tourisme est  revendu sur le marché local, privant les pêcheurs artisans de clients potentiels.

Cependant, le péril le plus grand qui menace la pêche artisanale reste la pêche industrielle.  Cette forme de pêche, qui s’est beaucoup développée grâce au soutien des gouvernements  et des projets de l’aide internationale, constitue une concurrence pour la pêche artisanale  dans la mesure où elle a trop souvent lieu près des côtes, dans les zones réservées tradi

tionnellement aux pêcheurs artisans. Elle exploite donc les mêmes espèces, souvent en  toute impunité. En outre, la coexistence de ces deux types de pêche entraîne parfois la des truction du matériel des artisans pêcheurs (pirogues, filets).

Enfin, la pêche industrielle entraîne d’autres conséquences écologiques nuisibles. Les pêcheurs artisans dénoncent notamment la non-sélection des espèces par cette pèche ; le fait  qu’elle ne tienne pas compte de la taille des poissons et l’utilisation de techniques non autorisée qui raclent le fond marin, emportant tous les poissons gros comme petits, sur son chemin et détruisant l’écosystème aquatique.

Face à cette situation, il est urgent de prendre des mesures pour réglementer le secteur de  la pêche industrielle. Dans ce domaine, une évolution sensible a eu lieu. Certains pays, de  plus en plus nombreux, ont mis en place une législation qui vise à réglementer les techniques et matériels de pêche, à imposer des saisons de pêche, à limiter l’intensité de la  pêche industrielle par l’octroi de licences de pêche et à interdire la pêche industrielle dans  certaines zones. Il faut cependant remarquer que ces mesures sont difficiles à appliquer en  l’absence d’un personnel suffisant et bien formé pour en effectuer le contrôle.

Mais, il ne s’agit pas d’opposer la pêche industrielle et la pêche artisanale. D’abord, parce  que des complémentarités entre ces deux types de pêche existent. « Dans la zone de Dakar  (Sénégal), par exemple, des propriétaires de pirogues motorisées se sont spécialisés dans  le commerce des espèces de poissons à faible valeur commerciale, capturés par les unités  de pêche industrielle » (Mbengue M., 2014)19.

Ensuite, parce que le problème de la surexploitation des ressources n’est plus seulement  l’affaire de la seule pêche industrielle. Les techniques de pêche ont aussi évolué du côté de  la pêche artisanale qui s’adonne aussi à la senne tournante qui peut ramasser jusqu’à vingt  tonnes de poissons en une seule fois. Cette situation est d’autant plus grave que les embarcations des pêcheurs artisans deviennent de plus en plus nombreuses qui exploitent toutes,  la même ressource.

« Manifestement, il s’agit là de problèmes qui réclament de toute urgence des actions  éducatives et d’autodiscipline de la part des communautés de pêcheurs elles-mêmes ainsi que l’attention et la vigilance des autorités responsables de la pêche nationale » (Mbengue  M. 2014).

2-1-2-5 Difficultés de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest 

Face à l’ampleur de la crise que connaît le secteur de la pêche en Afrique de l’Ouest et à  l’insuffisance des Etats pour y faire face, les organisations professionnelles (OP) de la pêche  artisanale sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important. Notamment en devenant  une force de proposition par rapport à la définition des politiques de pêche, à la structuration  de la filière depuis la capture jusqu’à la commercialisation. Elles veulent prendre part aux  décisions qui les concernent. Malheureusement, un certain nombre de contraintes porte  encore un frein à leur participation aux prises de décisions, comme listes ci-dessous :

  • insuffisance des capacités techniques, financières et organisationnelles ; • manque d’infrastructures suffisantes et appropriées ;
  • vulnérabilité aux catastrophes naturelles et aux impacts négatifs des changements  climatiques ;
  • conditions de vie et de travail déplorables et pleines de risques ;
  • accès inadéquat aux services sociaux ;
  • inexistence de la sécurité sociale ;
  • migration et les dangers liés aux MST, notamment le VIH/SIDA ;
  • barrières non tarifaires et tracasseries de toute sorte entravant l’exportation et le  commerce intra régional des produits de la pêche ;
  • faible représentation et participation dans les processus de décision qui affectent  leurs vies.

Pour répondre à ces préoccupations des acteurs de la pêche artisanale de l’Afrique de  l’ouest, les Etats ont cru bon se mettre ensemble à travers la création d’institutions régionales

2-1-2-6 Naissance de plusieurs institutions régionales de pêche 

Les Etats d’Afrique de l’Ouest, conscients du danger que constitue l’épuisement des  ressources halieutiques pour leurs populations et leurs économies, d’une part ; et du cout  élevé de certaines mesures telles que la surveillance des côtes et la lutte contre la pèche  INN, d’autre part, ont décidé de mutualiser leurs efforts.

Ainsi sont nés des institutions régionales de gestion des pêches comme la Commission  Sous Régionale des Pêches (CSRP) ou le Comité des Pêches du Centre Ouest du Golfe de  Guinée (CPCO). Leur rôle : l’harmonisation des politiques et des législations en matière de  pêche. A la suite de plusieurs actions qu’elles ont menées, on peut noter comme résultats :

  • la régulation de l’accès aux ressources halieutiques par le recensement et  l’immatriculation des pirogues de pêche ;
  • le renforcement des systèmes de surveillance et de contrôle en mer ;
  • l’amélioration des infrastructures de pêche (ports de pêche, débarcadères, chambres  froides, usines à glace, transports frigorifiques, …) ;
  • l’imposition des périodes d’arrêt de pêche et de repos biologique ;
  • la lutte contre la pêche INN et la pêche destructrice des ressources halieutiques et de  leur habitat ;
  • l’encadrement et la formation des pêcheurs artisans ;
  • l’implication des représentants de la pêche artisanale dans les négociations des ac cords de pêche avec les pays tiers, notamment l’Union Européenne.

Néanmoins, quelques insuffisances demeurent.

2-1-2-7 Quelques insuffisances du secteur 

Lors de plusieurs rencontres organisées par l’ADEPA, les pêcheurs artisans estiment que les  efforts des Etats, pour améliorer leurs conditions professionnelles ne sont pas suffisants. Ils  attendent entre autres :

✓L’implication des acteurs de la pêche artisanale à la définition des politiques et aux prises  de décisions concernant le secteur de la pêche ;

✓la volonté politique des Etats pour l’instauration d’un système de cogestion des ressources  halieutiques impliquant réellement les organisations des pêcheurs artisans au premier rang ;

✓la systématisation des plans d’aménagement des pêcheries et l’encadrement adéquat des  pêcheurs artisans pour leur mise en œuvre ;

✓le renforcement des mesures préventives et punitives contre la pêche illégale et toutes  techniques et pratiques de pêches destructrices ;

✓beaucoup plus de moyens financiers pour la pêche artisanale prélevés sur les recettes des  accords de pêche ;

✓l’exclusivité à la pêche artisanale de pêcher toutes les espèces qu’elle est en mesure de  capturer ;

✓un système de crédit adapté à la pêche artisanale ;

✓un système de sécurité sociale propre aux pêcheurs artisans ;

✓les plans d’accompagnement des pêcheurs reconvertis ;

✓un système de redistribution de la richesse produite par la pêche.

Comme on le constate, beaucoup a été fait pour aider au développement du secteur de la  pèche en Afrique de l’Ouest

Cependant beaucoup reste à faire afin que la pêche artisanale contribue pleinement à la  réalisation des engagements de la Déclaration de Malabo de Juin 2014, « visant l’éradication  de la faim et la réduction de la pauvreté en Afrique d’ici 2025, par la transformation agricole  accélérée, incluant la pêche et l’aquaculture ».20

Ces mêmes objectifs sont également inscrits au Programme de développement durable  2015- 2030, adopté par l’Organisation des Nations Unies, en 2015. Cette priorité accordée à  la pêche artisanale au niveau de la politique panafricaine, est en parfaite adéquation avec  les initiatives adoptées au niveau international, notamment, « Les Directives volontaires  visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité  alimentaire et de l’éradication de la pauvreté » (élaborés par la FAO et adopté en 2014 par le  COFI, en complément au Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable de  1995.)

Cette situation de la pêche en Afrique de l’Ouest avec les difficultés que rencontrent les  acteurs déteint également sur celle de la Côte d’Ivoire. Ces problèmes, s’ils ne sont pas  résolus entraîneront tôt ou tard des conflits.

2-2 Contexte de la pêche en Côte-d’Ivoire  

La pêche et l’aquaculture constituent un secteur économique important en Côte-d’Ivoire en  termes de sécurité alimentaire, d’emploi et de lutte contre la pauvreté

Selon la FAO, le Fonds des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la pêche  représente en moyenne 0,2% du PIB, procure près de 70 000 d’emplois directs et fait vivre  plus de 400 000 personnes (PND 2012- 2015). La production ivoirienne de produits  halieutiques est estimée à 43.532 tonnes (2005). La pêche artisanale représente 59% et la  pêche industrielle 39%.

La contribution de l’aquaculture reste très faible. Le pays couvre difficilement ses besoins et  a recours à des importations dont le coût s’élevait à 106 millions de dollars US (53 milliards  de FCFA) en 2005.

En vue de réduire le déficit en poisson, et compte tenu des ressources maritimes nationales  limitées, les pouvoirs publics orientent leurs actions vers le développement de la pêche  artisanale et en particulier vers l’aquaculture. Ils espèrent ainsi générer des revenus dans le  milieu rural, développer l’attrait des jeunes, exploiter le potentiel considérable constitué par  les 150 000 ha de lagunes, les 350 000 ha de lacs, les nombreux bas-fonds propices à  l’aquaculture et la riche faune aquatique renfermant plus d’une centaine de familles de  poissons de plusieurs espèces.

D’une manière générale, la Côte-d’Ivoire développe une pêche maritime articulée  principalement sur le port de pêche d’Abidjan avec 156 570 tonnes de poissons débarqués  et/ou transbordés des chalutiers, des sardiniers et des thoniers. Le port de San-Pedro avec  ses 1 771 tonnes de capture vient en appoint.

Il se pratique également dans le pays, le long des 500 km de côte, une pêche maritime  artisanale utilisant un grand nombre de débarcadères desservant les principaux marchés  locaux.

La Côte-d’Ivoire développe enfin une pêche lagunaire pratiquée principalement sur la lagune  Ebrié (566 km2), la lagune Aby (425 km2) et la lagune de Grand-Lahou (210 km2). La  production lagunaire fournit environ 25 000 tonnes de poissons et de crustacés.

L’apport de la filière pêche en termes de création d’emploi et de richesse semble  appréciable. L’emploi s’est bien tenu au rythme annuel de 9,43%. Ainsi, au-delà des activités  de production et de valorisation des produits halieutiques, la pêche génère des revenus à  des millions d’individus.

Au fil des années, les acteurs du secteur de la pêche ont compris qu’ils ne pouvaient pas  tout attendre de l’administration. Pour améliorer leurs conditions de travail et mieux vivre de  leur activité, ils ont décidé de s’organiser.

 

CHAPITRE III – ORGANISATION DES ACTEURS DE LA PÊCHE EN  COTE D’IVOIRE 

3-1 Pêche industrielle 

Les acteurs de la pêche industrielle en Côte-d’Ivoire sont organisés en 3 principaux  groupements dont nous avons pu rencontrer deux. Il s’agit du SYMAPECI (Syndicat des  marins pécheurs de Côte d’Ivoire) et de l’Union des armateurs à la pêche fraîche.

3-1-1 Le Syndicat des marins pêcheurs de Cote d’Ivoire 

Selon Mr Barthélémy Konan, président du SYMAPECI, crée en 1981, la convention  collective signée avec les armateurs en 1989 a beaucoup aidé leur corporation. Les seules  difficultés qui entraînent des conflits proviennent de la collaboration moins aisée avec les  chinois, qui de nos jours, dominent l’activité de la pêche industrielle en Côte-d’Ivoire. Ils sont  propriétaires des deux tiers de la quarantaine de bateaux de pêche battant pavillon ivoirien.  Cependant on déplore le fait que ces armateurs chinois ne respectent pas toujours la  réglementation ivoirienne. Selon la loi 61-349 du 9 novembre 1961 du code de la marine  marchande, en son article 108, tout bateau battant pavillon ivoirien doit disposer à son bord  d’un état-major ivoirien et de 75 % de nationaux ivoiriens. Contrairement à cette règle, les  chinois arrivent avec leur capitaine et leur mécanicien, une pratique qui génère des tensions  entre chinois et ivoiriens.

D’autres conflits sont issus du fait que les nationaux sont sous-recrutés sur les bateaux  étrangers, ce qui conduit à des mécontentements au point d’entraîner des bagarres entre  armateurs et marins ivoiriens.

On déplore également la surpêche pratiquée par ces bateaux qui enlèvent des alevins au  large sans aucune surveillance.

Hormis ces difficultés, Mr Barthelemy Konan estime que la collaboration entre son syndicat  la SYMAPECI et le regroupement des armateurs de Cote d’Ivoire est saine et se déroule  dans de bonnes conditions.

3-1-2 L’Union des armateurs a la pêche fraiche 

Qui dit armateur, dit propriétaire de bateaux. Il s’agit ici de bateaux de pêche, thoniers,  chalutiers, sardiniers, crevettiers…

Le métier d’armateurs en Côte-d’Ivoire était au départ l’affaire d’expatriés qui avaient créé un  regroupement dans les années 70. C’est bien plus tard dans les années 80 et 90 que les  ivoiriens ont commencé à s’y intéresser.

Mais à date, ils ne sont pas nombreux compte tenu du manque de moyens, selon Kader  Ibrahim Keita, secrétaire général de l’Union des armateurs à la pêche fraiche. Sur la  quarantaine d’armateurs, il n’y a que 2 ou 3 ivoiriens, mais avec des bateaux qu’il qualifie de  vétustes et donc insuffisamment performants.

Ils exercent à côté d’armateurs étrangers, notamment chinois et coréens. Mais pour Mr  Kader Ibrahim Keita, tout bateau battant pavillon Cote d’Ivoire est ivoirien. C’est ainsi qu’ils  sont tous regroupés au sein de l’UNION des armateurs à la pêche fraiche. Le travail  d’armateur est libéral dit-il, ce qui suppose une certaine concurrence. De temps en temps,

l’un peut piétiner la platebande de l’autre. C’était le cas la dernière fois raconte Mr Kader  Ibrahim Keita, où un bateau chinois a heurté le filet d’un bateau d’ivoiriens causant des  dégâts évalués a 12 millions de francs CFA, payés par les pêcheurs chinois (voir Annexe 3).

A cause du grand vent, des vagues et d’autres intempéries, les bateaux vétustes des  armateurs ivoiriens ne peuvent pas aller très loin en haute mer. Ils préfèrent rester près de la  côte. Mais dans ce cadre également, ils se retrouvent en concurrence avec les piroguiers de  la pêche artisanale à qui les eaux proches des cotes sont réservées selon le découpage de  la ZEE (Zone économique exclusive).

Il y a donc de nombreux incidents déplorés.

Comment arrivent-ils à régler ces incidents ? Sont-ils amenés à se pourvoir en justice ou  disposent-ils d’un moyen de médiation ?

Pour le secrétaire général de l’Union des armateurs à la pêche fraiche, ils arrivent toujours à trouver un terrain d’entente. Ils n’ont pas le choix ; ils ne peuvent qu’êtres solidaires, dit-il.

En dehors de ces accidents en mer, ils se plaignent des taxes et autres assurances élevées que l’Etat leur impose pour faire face aux dédommagements des pêcheurs artisans en cas  d’accident.

Concernant la question du sous-emploi dont se plaignent les marins ivoiriens, Mr Kader  Ibrahim Keita répond qu’ils ont eu avec eux une rencontre sur la revalorisation de leurs salaires.

Mais le plus gros souci pour les armateurs ivoiriens, c’est le financement. Comment obtenir les moyens d’acquérir des bateaux neufs pour être aussi performants que les étrangers chinois ou coréens ?

Du  côté des institutions financières. Pour Mr Kader Ibrahim Keita, c’est une illusion de croire que les armateurs ont des revenus élevés. Pour les armateurs ivoiriens, selon lui, il n’en est rien.

3-2 Pêche artisanale 

Les acteurs du secteur de la pêche artisanale, au vu de leurs difficultés, ont pris conscience  qu’un pécheur isolé ne peut affronter seul ses problèmes, d’autant plus qu’il est difficile pour  une seule voix de se faire entendre face aux décideurs. C’est ainsi qu’est née la motivation  de se mettre ensemble pour travailler.

Le secteur est donc organisé en sociétés coopératives, en unions de sociétés coopératives  départementales et régionales. Ces unions ont fédéré pour constituer une fédération  nationale des sociétés coopératives de Cote d’Ivoire dénommée FENASCOPECI, créée en  2011 et rendue conforme à l’acte uniforme des sociétés coopératives en 2016 (Annexe 2).

Elle regroupe 26 sociétés coopératives au sein de 4 unions. On compte au total 3 749 membres. Ces acteurs s’adonnent aux 3 activités notoires du secteur à savoir, la pêche, la  transformation et la commercialisation. Ces 2 derniers volets sont essentiellement pratiqués  par les femmes. La FENASCOPECI est un creuset d’échanges et d’expériences entre les  acteurs. Elle joue le rôle de plaidoyer auprès des décideurs pour la défense des intérêts de  ses membres. Depuis son existence, le président Michel Segui affirme que les  préoccupations des acteurs sont mieux prises en compte par les autorités de tutelle.

La FENASCOPECI est membre du conseil d’administration de la FIRCA (Fonds  interprofessionnel pour la recherche et le conseil agricole). Elle siège également à  l’ANOPACI (Association nationale des organisations paysannes de Cote d’Ivoire). Elle  occupe également le secrétariat général de l’ADEPA (Association ouest africaine pour le  développement de la pêche artisanale).

Une autre fédération vient de voir le jour en 2016 du nom de Fédération nationale des  coopératives de Côte d’Ivoire (FENASCOOP-CI – Annexe 3). Elle regroupe une partie des  transfuges de la 1ere Fédération dans la mesure où certains membres du Conseil  d’administration de la 1ere fédération se retrouvent aujourd’hui dans le bureau de la  nouvelle. Comme si quelque part il y a eu un malentendu entre les membres du bureau de la  1ere fédération.

C’est une situation dérangeante qui ne devrait pas en être une dans la mesure où on est  tenté de dire que l’espace est libre, qu’il y a suffisamment de travail pour deux fédérations.

L’Acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives  dans son Article 4 ne prône-t-elle pas la liberté d’adhésion ?

Il serait intéressant de les écouter au cours d’une médiation pour comprendre la face cachée de l’iceberg si les deux parties le désirent. A moins que le système de l’interprofession ne  vienne à leur secours. Mais l’un n’empêche pas l’autre.

En effet, pour la bonne marche du monde agricole, le gouvernement a mis sur pied le  système de l’interprofession, ce qui suppose des collèges de différents acteurs au sein de la  même filière. Ce système professionnalise petit à petit les filières agricoles. Mais la pêche  n’en fait pas encore partie parce qu’elle n’a pas encore réuni ses collèges. Cela doit en  principe être facilité par l’administration des pêches. La pêche artisanale pourrait alors entrer  dans l’interprofession à condition qu’elle arrive à régler les différents conflits qui la minent.

 

CHAPITRE IV – TYPOLOGIE DES CONFLITS DANS LA PÊCHE EN  COTE D’IVOIRE 

Le législateur français souligne bien la distinction entre litige et conflit dans l’article 131-1 du  code de procédure civile relatif à la médiation judiciaire : « Le juge saisi d’un litige peut,  après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les  parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au  conflit qui les oppose. » (Annexe 4 – La médiation pour tous, p.15)

Autrement dit, le conflit est en général caché et le litige qui fait l’objet de jugement n’est que  la partie visible de l’iceberg. Le conflit renferme souvent des émotions, des non-dits, des  malentendus, des besoins non satisfaits, etc.

4-1 Conflit administration/Acteurs de la pêche artisanale 

En règle générale, l’administration des pêches est l’autorité de tutelle de la pêche en général  et de la pêche artisanale en particulier. Elle a pour rôle d’encadrer les acteurs du secteur.  Elle aide ainsi à réguler les activités des pêcheurs artisans. Cependant, cette collaboration  rencontre des difficultés.

Au niveau de la cogestion des ressources : les statistiques ne sont pas disponibles en  temps réel mais on peut noter un manque de formation des acteurs par l’administration pour  l’amélioration de leurs conditions de travail ; manque d’infrastructures d’hygiène, pas de  structure de premiers soins, pas d’eau, pas de glace etc. sur les lieux de débarquement.  Autant de situations qui ne favorisent pas le secteur.

Au niveau de la sécurité : des bateaux de recherche sismique perturbent, voire  endommagent quelquefois des filets de pêche installés ou provoquent l’arrêt des activités  pendant une longue période sans que les acteurs aient le temps d’être informés et  sensibilisés sur la question. Aucune solution de dédommagement n’est envisagée pour  compenser le manque à gagner pour le pécheur.

Au plan fiscal : les pécheurs estiment qu’ils paient trop de taxes. Exemple : taxe  d’identification, d’immatriculation, d’inspection, d’exploitation ; taxe sur la pesée du poisson  (1/10) dans certaines localités.

Mais l’une des plus grandes préoccupations du secteur, consiste dans les tensions qui les  opposent à la pêche industrielle

4-2 Conflit pêche industrielle / pêche artisanale 

Certains bateaux de pêche étrangers ne respectent pas la Zone Economique Exclusive  (ZEE) qui délimite sur les océans, les zones où chaque pêche doit s’exercer. La pêche industrielle, disposant de gros moyens, investit avec ses bateaux, la zone réservée  à la pêche artisanale. Ainsi, elle s’accapare le butin de la pêche artisanale et qui plus est,  détruit au passage quelquefois les pirogues qu’elle rencontre sur les eaux maritimes. Cette  situation peut être très dramatique, entraînant non seulement des pertes en matériels pour  les petits pêcheurs mais également des pertes en vies humaines. Ce fut le cas, il y a 2 ans  au large de Grand Bassam où 3 pertes en vies humaines ont été déplorées (Art. Frat Mat du  25 Août 2013, repris par www.linfodrome.com- Annexe 5).

Les bateaux en provenance de l’Union européenne, qui signent des accords de pêche avec  une contrepartie financière avec les pays africains, étaient souvent mis en cause. Mais face  à l’organisation et à la lutte des pêcheurs dans certains pays tels que le Sénégal, et des  conférences internationales pour dénoncer cette situation, les bateaux européens sont moins  décriés à présent dans cette pêche illicite. Ce sont plutôt des bateaux chinois, coréens et  russes qui sont mis en cause de nos jours. Pour faire face à la situation, des pays, soit seul,  soit en association avec des pays limitrophes, se sont dotés de matériels de surveillance de  leurs côtes.

Cette situation est associée à la pêche INN, devenue aujourd’hui le danger de tous les  dangers et qui pénalise les acteurs. Mais pour y faire face, il faudrait qu’ils soient capables  de bien s’organiser.

4-3 Conflit entre acteurs eux-mêmes 

Les conflits entre acteurs se situent à plusieurs niveaux : entre organisations  professionnelles, entre femmes, entre professionnels et non professionnels et de manière  sournoise au plan politique.

– L’Acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopéra tives signale en son Article 4 : « La société coopérative est un groupement autonome  de personnes volontairement ré- unies pour satisfaire leurs aspirations et besoins  économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et  selon les principes coopératifs ». 

Cela suppose la démocratie et la liberté d’adhésion à une coopérative. Cette liberté d’adhésion universelle est bien expliquée dans l’Article 6 de la même loi OHADA qui stipule  « La société coopérative est constituée et gérée selon les principes coopératifs  universellement reconnus, à savoir :

➢ L’adhésion volontaire et ouverte à tous ;

➢ Le pouvoir démocratique exercé par les coopérateurs ;

➢ La participation économique des coopérateurs ;

➢ L’autonomie et l’indépendance ;

➢ L’éducation, la formation et l’information ;

➢ La coopération entre organisations à caractère coopératif ;

➢ L’engagement volontaire envers la communauté.

 

Toute discrimination fondée sur le sexe ou sur l’appartenance ethnique, religieuse ou  politique est interdite ».

Cette liberté exprimée aussi clairement n’admet donc pas qu’une coopération ou une union  de coopératives ou une fédération d’unions veuille se donner des droits de monopole. Car la  même loi confirme également qu’au moins 2 sociétés coopératives peuvent créer une union  et deux unions peuvent créer une fédération, et 2 fédérations une confédération. Et pourtant  les 2 fédérations qui existent aujourd’hui en Côte-d’Ivoire dans le secteur, n’arrivent pas à se  confédérer, la plus récente voulant chapeauter la plus ancienne. Si elles ne peuvent pas  confédérer, elles peuvent au moins se tolérer et travailler séparément dans le respect  mutuel. Le secteur a tellement de besoins qu’il y a de la place pour tout le monde. Ce conflit  qui ne devrait pas en être un selon la loi OHADA empoisonne aujourd’hui l’atmosphère de  travail des acteurs de la pêche artisanale en Côte-d’Ivoire.

Par ailleurs, de tous les acteurs, les femmes sont celles qui s’entendent le moins entre elles.  Elles peuvent créer de petits conflits sans fondement réel, d’une simple jalousie ou de  problématique de leadership.

Autre conflit : Entre les non pêcheurs qui investissent le secteur et les acteurs  professionnels, les relations ne sont pas toujours cordiales. Car, ils se connaissent mais ne  parlent pas forcément le même langage ; les uns accusant les autres « d’usurpateurs ». Et  pourtant, les non professionnels nourrissent l’ambition de dominer le secteur, de connivence  avec certains professionnels ; ce, à quoi ceux qui se considèrent comme de vrais acteurs  réagissent, d’où les conflits.

Au plan politique : on dénonce également des tendances de politisation du secteur sur lequel  certains hommes politiques s’appuient pour manipuler les acteurs en leur faveur et créer des  conflits. Ils les instrumentalisent pour leurs ambitions politiques, la pêche étant un secteur  qui draine du monde.

Les conflits ne se situent pas seulement au seul niveau des acteurs eux-mêmes mais entre  les acteurs et les pécheurs étrangers

4-4 Confits pêcheurs ivoiriens / pêcheurs étrangers / pêcheurs  bozo 

L’installation des diverses vagues de pêcheurs étrangers en Côte-d’Ivoire, que ce soit au  plan marin, lagunaire, que continentale a entraîné des protestations de la part des  populations autochtones généralement agriculteurs.

Se considérant comme les propriétaires terriens, ces populations autochtones estiment que  les cours d’eau exploités par ces étrangers leur appartiennent. D’où la naissance de crises  qui ont pu être régulées par le paiement d’une contrepartie financière versée aux chefs  coutumiers des localités concernées. Ces chefs ne rendaient pas fidèlement compte à leurs  populations qui se considéraient expoliées de leur patrimoine, ce qui a conduit à envenimer  les conflits. Des populations autochtones ont fini par s’en prendre aux pécheurs étrangers,

détruisant leurs équipements ou les chassant purement et simplement de leur terre.

Au vu de ces conflits, la deuxième vague de pêcheurs migrants a souhaité intéresser les  ivoiriens à la pratique de la pêche artisanale. Mais leur intégration a été difficile, vu la  cohésion au sein des pêcheurs étrangers. Cela a également entraîné d’autres conflits qui ont  dispersé, les pécheurs étrangers notamment bozo jusqu’au sud. Ces pêcheurs étrangers ont  essayé de leur côté de s’intégrer en épousant des ivoiriennes, ce qui a désamorcé plus ou  moins les crises pour certains d’entre eux. Mais de manière générale, ces conflits entre  ivoiriens et pêcheurs bozo sont devenus récurrents à travers les âges.

En dehors des crises nées de la propriété terrienne, on peut également citer les crises dues  à la pratique même de la pêche liées aux engins utilisés. Il s’agit des filets maillants et des  palangres avec multiples hameçons qui mettent en danger la pêche, voire les alevins21. Ces  pratiques ont été décriées par les ivoiriens qui ressentaient la diminution des ressources  halieutiques. L’administration des pêches a tenté de calmer le jeu mais les ivoiriens ont pris  connaissance de ces mauvaises pratiques qui conduisent à pêcher beaucoup de poissons  mais détruisent en même temps la ressource.

D’autres pratiques utilisées par les béninois et togolais qui consistent à déposer dans le  cours d’eau des piquets de bois ou de grosses pierres pour maintenir leurs filets ont des  conséquences désastreuses sur la navigation allant jusqu’à entraîner des pertes en vies  humaines. Dans certaines localités, les populations ont purement et simplement chassé les  pêcheurs qui utilisent ces pratiques pour ne pas les voir opérer sur leur territoire.

D’autres conflits ont pour origine le partage des cours d’eau entre communautés ivoiriennes  riveraines ou non. Un pécheur qui exerce son activité dans une communauté autre que la  sienne doit au préalable demander une autorisation au chef de terre afin d’éviter d’être  rejeté. Par exemple, un Adjoukrou (ethnie ivoirienne) qui vient pêcher à Grand Lahou chez  les Avikam devra obtenir une autorisation du chef de terre de la localité où il veut travailler.  Certains pêcheurs indélicats ne se donnent pas la peine d’obtenir cette autorisation ce qui  entraîne des tensions. Il existe d’autres pratiques pour lesquelles la portion d’eau doit être  louée chez le chef de terre.

Au fil du temps, des solutions ont été recherchées dans le règlement de ces conflits, certains  exemples seront abordés dans la seconde partie de ce document.

PARTIE II

39 

CHAPITRE I – DIFFERENTS MODES DE RESOLUTION DES  CONFLITS 

Selon « La médiation pour tous » de Béatrice Blohorn-Brenneur, il existe de manière  générale, 6 modes de règlements des conflits. Il s’agit de la médiation, de la discussion/ négociation directe, de la conciliation, de l’arbitrage, du jugement et de la convention de  procédure participative. Selon les cas de figure, ces modes de règlement peuvent se compléter. L’essentiel est de trouver une solution au litige.

Après avoir passé en revue la médiation, nous allons effectuer une comparaison entre elle et  les autres modes de règlement des conflits.

1-1 La médiation 

La médiation permet l’échange avec l’aide d’un tiers, garant des règles de communication  assurant le respect mutuel. Elle peut être judiciaire ou conventionnelle.

1-1-1 Médiation judiciaire 

Dans le cas de la médiation judiciaire, le juge en charge d’une affaire peut, si les parties le  désirent, désigner un médiateur pour leur permettre de trouver un accord amiable. En cas de médiation conventionnelle, la personne qui vit un différend peut recourir à un  médiateur, avec l’accord de l’autre partie, avant tout recours éventuel devant le juge étatique.

Rôle du juge dans la médiation judiciaire 

Le juge procède à 7 actes principaux :

✓ Informer les parties sur le processus de médiation ;

✓ Identifier le contentieux qui relève de la médiation ;

✓ Designer le médiateur en accord avec les parties ;

✓ Déterminer le délai au cours duquel la médiation doit être accomplie ; ✓ Fixer la rémunération du médiateur ;

✓ Homologuer éventuellement l’accord ;

✓ Statuer sur l’affaire en cas de non-accord.

Rôle du juge dans le processus de médiation conventionnelle 

Dans la médiation conventionnelle, le rôle du juge consiste à rendre crédible et sécuriser le  processus.

L’accord entre les deux parties peut lui être soumis pour homologation ; ce qui consiste à lui  donner une force exécutoire au cas où l’une des parties refuserait d’exécuter volontairement  les termes de l’accord défini.

1-1-2 Médiation conventionnelle 

Elle peut être institutionnelle ou ad ’hoc.

Elle est institutionnelle lorsque les parties choisissent une institution privée de médiation qui  se charge de leur proposer une liste de médiateurs et qui organise l’aspect administratif du  processus selon un règlement et une procédure qui lui sont propres.

La médiation conventionnelle peut aussi être ad ‘hoc, c’est-à-dire que les parties choisissent  elles-mêmes un médiateur pour les accompagner dans la reprise du dialogue et la recherche  de solutions à leur conflit.

Que ce soit dans la médiation conventionnelle ad ‘hoc qu’institutionnelle, les principes qui  régissent la médiation à savoir la confidentialité, la neutralité, l’indépendance et l’impartialité ;  ainsi que les règles que sont le respect de la personne humaine, c’est- à -dire l’autre partie,  le respect de la parole, à savoir la non- interruption de l’autre quand il parle, sans oublier  l’aparté, sont de mise.

Nous y reviendrons plus en détails à travers la loi du 20 Juin 2014 sur la médiation en Cote  d’Ivoire que nous analyserons plus loin.

En attendant, voyons quel est le lien entre la médiation et les autres modes de règlement des conflits ?

1-2 Lien entre discussion / négociation directe et médiation

Dans la discussion/négociation directe, les parties parlent entre elles pendant un temps plus  ou moins long (quelques minutes, heures, semaines). Elles peuvent finir par arriver à une  solution, à des échanges.

« La négociation directe, face à face, se pratique avec méthode, écoute, respect et  considération de l’autre dans un esprit de médiation »22.

Vraiment dans un esprit de médiation puisque l’écoute et le respect mutuel sont de mise. On  peut donc dire que le mode d’échange est satisfaisant. Il n’est pas nécessaire d’avoir recours  à un tiers.

Cependant, il peut arriver que dans ce mode de règlement amiable, le manque de  techniques appropriées et d’accompagnateur, empêchent d’approfondir les faits pour en  arriver aux causes et aux ressentis, c’est-à-dire la face cachée qui constitue le conflit réel. Il  y a alors des risques que les échanges tournent en rond et en ce moment la médiation

s’impose.

Dans tous les cas de négociation difficile ou bloquée, si les parties désirent réellement sortir  du conflit, il est utile d’avoir recours au « tiers de confiance ». Une confiance indispensable  pour avancer.

Cela signifie qu’on passe de la négociation à la médiation. Dans ce cas, le médiateur, en  professionnel, sait quoi faire pour organiser la communication entre les parties afin qu’elles  aboutissent à une solution qui les arrangent.

Le médiateur garde sa neutralité et son impartialité et ne s’immisce pas dans le fond sur la  décision qui sera prise. Par les techniques de reformulation et de questionnement, il arrive à amener les parties à faire ressortir leurs arguments bien fondés afin qu’elles imaginent et  trouvent ensemble une voie commune.

En présence d’un intermédiaire neutre, la parole est différente, tant dans la forme que parfois  dans le fond. « Se faire entendre par l’autre, en s’adressant au médiateur, donne l’occasion  de parler sans agressivité, de donner plus d’explications motivées. L’autre peut alors  entendre, comprendre et réfléchir sur des éléments qu’il aurait eu tendance à rejeter s’ils lui  avaient été adressés directement de manière abrupte, agressive, accusatrice… »23

« Parfois, les parties en arrivent d’eux-mêmes à une négociation respectueuse, même en  cas de profond désaccord. Le médiateur peut alors se retirer et laisser la négociation se  poursuivre sans lui, si les parties l’estiment possible. Il peut rester en réserve si des  difficultés réapparaissent »24.

Par contre, dans le cas de la médiation pure, le médiateur est au début et à la fin du  processus.

 

Au niveau de la conciliation, on note plus de similitudes avec la médiation.

1-3 Lien entre conciliation et médiation 

La frontière qui existe entre la conciliation et la médiation n’est pas très grande. Les deux  parties cherchent un accord avec l’aide d’un tiers, d’un conciliateur.

En France, l’ordonnance du 16 novembre 2011 définit la médiation en ces termes : « La  médiation s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel  deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de  leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigne, avec leur  accord, par le juge saisi du litige » 

La définition appliquée ainsi à la médiation sied en bonne partie à la conciliation, en ce sens  qu’elle englobe la médiation à proprement parler, mais aussi la conciliation conduite par un  conciliateur de justice, sauf dans le cas de la conciliation menée par le juge. Cependant, il existe une différence entre les deux méthodes en termes d’exécution.

1-3-1 Différence dans la mise en œuvre de la conciliation et de la médiation 

1-3-1-1 Mise en œuvre de la conciliation 

La conciliation recherche une solution à apporter au litige juridique dont le juge est saisi. Il peut s’agir du juge lui-même lorsqu’il intervient dans le cadre de sa mission de conciliation,  ou d’un conciliateur de justice, à qui le juge délègue sa mission de concilier. La phase de  conciliation est obligatoire dans certaines affaires telles que les divorces et les conflits du  travail.

La conciliation est gratuite et est intégrée au système judiciaire.

L’accord sera donc trouvé uniquement dans le cadre des termes du litige dont le juge est  saisi. Par exemple, les parties vont s’accorder sur le montant des dommages-intérêts, de la  pension alimentaire etc.

1-3-1-2 Mise en œuvre de la médiation 

La médiation, elle, vise à rétablir la relation entre les parties et à trouver la solution des  parties au conflit personnel qu’elles vivent.

La médiation n’est pas menée par un juge, mais par un tiers, indépendant du système  judiciaire. Elle est en général payante.

L’accord trouvé en médiation tend à satisfaire les intérêts respectifs des parties, y compris  ceux qui dépassent le cadre des termes du litige soumis au juge.

Le conciliateur est plus incitatif que le médiateur. Il a tendance à moins travailler au  rétablissement de la relation, pour davantage rechercher l’accord.

Le médiateur, lui, s’attache à approfondir les relations entre les parties. Il prend plus de  temps dans le déroulement du processus, et fait en sorte que la solution émerge des parties  elles-mêmes.

Par contre entre l’arbitrage et la médiation, les liens ne sont pas importants.

1-4 L’arbitrage 

Dans l’arbitrage, c’est une personne extérieure qui prend la décision : arbitre de sports, chef  hiérarchique …

L’arbitre peut également régler des affaires juridiques. C’est en quelque sorte un juge privé,  choisi et rémunéré par les parties. Il juge l’affaire en appliquant la loi. Si les parties lui en  donnent le pouvoir, il peut statuer comme « amiable-compositeur ». Il juge dans ce cas en  « équité » c’est-à-dire qu’il décide selon ce qui lui parait être le plus juste et équitable.

L’arbitrage peut être décidé dans les cas suivants :

➢ Avant tout litige, lorsque les parties signent une « clause compromissoire » dans un  contrat, par laquelle elles décident de recourir à l’arbitrage en cas de litige, ➢ Lorsque le litige est né, si les parties signent une convention d’arbitrage appelée le  « compromis d’arbitrage » qui décrit le litige et indique le nom du ou des arbitres  (Article 1447 du code de procédure civil français).

La décision ou « sentence arbitrale » a l’autorité de la chose jugée.

Elle doit être soumise à la procédure dite « d’exequatur » devant le tribunal de grande  instance pour acquérir la force exécutoire. Elle pourrait être exécutée de force. Elle est  susceptible d’appel (Art. 1481 et suivant du Code de procédure civil).

1-4-1 L’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage de l’OHADA 

Dans son Article 6, nous relevons quelques similitudes avec les principes de la médiation a  savoir que l’arbitre doit avoir le plein exercice de ses droits civils, demeurer indépendant et impartial vis-à-vis des parties. Ensuite, l’Article 9 stipule que les parties doivent être traitées sur un pied d’égalité et chaque partie doit avoir toute possibilité de faire valoir ses droits.

Le même Acte uniforme de l’OHADA précise, en ce qui concerne la sentence arbitrale, qu’elle n’est pas susceptible d’opposition, d’appel, ni de pourvoi en cassation. Cependant,  elle peut faire l’objet d’un recours en annulation qui doit être porté devant le juge compétent dans l’Etat-partie.

La décision du juge compétent dans l’Etat-partie n’est susceptible de pourvoi en cassation  que devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.

Par ailleurs, la sentence arbitrale peut faire l’objet d’une tierce opposition devant le tribunal  arbitral par toute personne physique ou morale qui n’a pas été appelée et lorsque cette  sentence préjudicie à ses droits.

Elle peut également faire l’objet d’un recours en révision devant le tribunal arbitral en raison  de la découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant l’annonce  de la sentence, était inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui demande la révision.  Le recours en annulation n’est recevable que dans les cas suivants :

▪ si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou  expirée ;

▪ si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;

▪ si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ; ▪ si le principe du contradictoire25 n’a pas été respecté ;

▪ si le tribunal arbitral a violé une règle d’ordre public international des Etats signataires  du Traité ;

▪ si la sentence arbitrale n’est pas motivée.

Nous remarquons bien, avec ce qui précède, que le lien entre l’arbitrage et la médiation est  nul. Déjà le fait que l’arbitre impose sa sentence aux parties éloigne carrément cette  procédure de la médiation. Car dans le cadre de ce processus, ce sont les parties qui  trouvent elles-mêmes la solution à leur différend.

A ce titre, l’arbitrage se rapproche plus du jugement.

1-5 Le jugement 

Le juge rend une décision qui s’impose aux parties. Les parties ne le choisissent pas. Il dépend de l’institution judiciaire. Il est rémunéré par l’Etat.

1-5-1 Avantages et limites de la décision de justice  

  • Les avantages 

« La finalité courte de l’acte de juger est de trancher le litige » (Paul Ricœur, philosophe  français contemporain).

Grace à sa connaissance du droit, le juge est le mieux placé dans les cas suivants :

  • litige purement juridique portant uniquement sur l’interprétation ou l’application de la loi ; • litige touchant un domaine d’ordre public ;
  • publicité du jugement recherché pour son exemplarité ;
  • les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits ;
  • les parties ne veulent plus se rencontrer, ne se font plus d’offres et cherchent à clore les  échanges, quelle que soit la décision ;
  • protéger une partie en situation de faiblesse.
  • Les limites 

« La finalité longue de l’acte de juger est de contribuer à la paix sociale » (Paul Ricœur,  philosophe français contemporain).

Trancher le litige en droit ne privilégie pas la pacification du conflit et ne permet pas toujours  de prendre en compte son caractère humain.

On privilégiera alors le recours à un mode amiable de règlement pour :

  • éviter l’aléa judiciaire ;
  • éviter le coût du procès ;
  • éviter la lenteur du procès ;
  • un problème d’équité (manque de preuve) ;
  • faciliter l’exécution de la décision ;
  • maintenir les relations (contractuelles, familiales, d’associés, de travail…) ; • éviter la publicité des débats ;
  • éviter de tomber dans la « victimisation ».

L’aléa judiciaire

La solution de droit peut être incertaine dans certains litiges du fait d’un vide juridique, d’une  lacune ou d’une contradiction du contrat. Or le juge, lui, interprète souverainement les faits et  les preuves du dossier. Cette appréciation peut dépendre autant des éléments objectifs du  dossier que de la personnalité du juge. Par conséquent, pour une même situation donnée,  deux juges peuvent rendre deux jugements différents, voire diamétralement opposés.

En médiation on donne plutôt l’importance, non pas aux faits mais à ce qui est caché derrière ces faits à savoir les non-dits, les malentendus, les émotions etc.

Le coût 

Les avocats doivent être rémunérés pour leurs services : temps passés à s’occuper des  pièces du procès, attendre quelques fois des années pour le versement des dommages et  intérêts. C’est du temps et de l’argent perdu.

En médiation, le coût varie d’un cas à l’autre mais il n’est jamais aussi cher qu’un procès.  Quelques fois, il peut être forfaitaire voire dérisoire dans des conflits familiaux ou sociaux. Et,  ce coût est partagé à part égale entre les deux parties.

Le délai 

On peut savoir quand on commence un procès, mais on ne sait pas quand il se termine. Un  procès peut durer plusieurs années parce que des voies de recours s’ajoutent aux voies de  recours. Par exemple, après un licenciement, le salarié licencié peut ne pas percevoir son  indemnité et l’employeur de son côté attend également d’être fixé sur son sort.

En médiation, ce sont les parties, avec l’accompagnement du médiateur, qui choisissent le  temps des séances d’échanges et le nombre de séances. En général, le délai d’une  médiation est de 3 mois renouvelables lorsqu’il s’agit de la médiation judiciaire et de 2 mois  quant à la médiation conventionnelle. Ce délai peut être prorogé seulement d’un mois.

L’équité 

En l’absence de critères objectifs sur lesquels il peut fonder sa décision, le juge n’a pas le  droit de statuer en équité. Il doit statuer selon les règles du droit. Or, ce qui parait juste pour  une personne peut ne pas l’être pour une autre.

Le juge ne peut statuer que sur les pièces du dossier ; or elles ne reflètent pas toujours la  vérité.

Par contre, dans la médiation, les solutions sont trouvées par les deux parties, tenant  compte de leurs propres intérêts.

L’exécution de la décision 

La partie condamnée n’exécute jamais volontairement la décision. Tandis qu’en médiation,  non seulement le processus est volontaire sur toute la ligne, mais l’accord trouvé est en  général immédiatement appliqué par les parties.

Le maintien des relations 

Le procès finit de briser définitivement des relations établies depuis peut être longtemps. Or, il est parfois indispensable pour les parties de continuer à entretenir des relations  notamment, soit dans des affaires familiales parce que les enfants entrent en ligne de  compte; soit dans des cas de relations contractuelles ou d’associés ; soit dans des relations  de travail ; soit en terme commercial parce qu’un fournisseur est le meilleur partenaire et  qu’il serait dommageable de rompre toutes relations avec lui.

Au contraire, en médiation, l’objectif est de reconstruire le pont rompu entre les parties. Ce  qui leur permet de continuer leurs relations d’affaires, d’associés, de familles, etc.

La publicité 

La décision judiciaire est rendue publiquement. Parfois elle est publiée dans les journaux, ce  qui peut nuire à la réputation d’une société ou d’un produit commercialisé. Par exemple, pour fixer les dommages-intérêts alloués à une entreprise, pour perte et profits  du fait de la résiliation unilatérale du contrat par une autre entreprise, le juge doit connaitre la  marge bénéficiaire de cette entreprise sur la vente des produits. Or ces renseignements font  partie des secrets commerciaux indispensables pour se protéger de la concurrence.

En médiation, pas de publicité. Bien au contraire, la confidentialité fait partie des principes et  règles essentielles respectées tout au long du processus et même après. Pour s’en garantir,  le médiateur fait signer un engagement du respect de ces règles aux parties, dès le début du  processus.

La victimisation

Lorsqu’une personne s’estime « victime » d’une situation, dans son esprit, celui qu’elle  imagine comme étant la cause de son problème devient nécessairement un persécuteur ou  un « bourreau ».

Tant que la victime ne sort pas de son rôle de « victime », les tensions persistent. Or, le  tribunal, en désignant le coupable et en indemnisant la victime, se comporte en « sauveur ».  Le jugement cristallise les positions. Il est alors impossible d’apaiser le conflit.

Dans la médiation, il n’y a ni victime, ni bourreau, les deux parties sont placées au même niveau et à travers des échanges, finissent par s’écouter, se comprendre. Elles en viennent  même à devenir sensibles aux émotions vécues par les uns et les autres. Et à l’issue, seuls  les intérêts des parties priment.

  • Les limites de la médiation et de la conciliation 

Nous parlons de la médiation et de la conciliation en même temps, car ce sont les deux  processus les plus proches.

Leurs limites dépendent essentiellement de la nature du conflit et de l’état d’esprit des  personnes.

La nature du conflit 

Les litiges qui ne concernent que l’interprétation de la loi ne relèvent pas de la médiation mais du juge.

L’état d’esprit des personnes 

Malgré le processus de médiation, certaines personnes continuent de penser que seul leur  point de vue compte. Elles refusent ainsi d’écouter l’autre et se réfugient dans leur propre  raisonnement. Pour elles, c’est la seule logique. Elles se comportent ainsi pour deux raisons  principales :

  • soit, parce qu’elles ont trop souffert du conflit et attendent une réparation. En effet, dans  un conflit, les attaques reçues de l’autre partie peuvent créer des blessures d’amour propre qui n’incitent pas à aller vers l’autre mais plutôt à se venger. La médiation peut  changer cette vision des choses à condition que la personne concernée y mette de la  bonne volonté et accepte avec l’accompagnement du médiateur de dialoguer avec  l’autre, des problèmes qui l’ont tant fait souffrir, ce qui n’est pas toujours évident.

 

  • Soit, parce qu’elles se trouvent à la limite d’un état pathologique ou la thérapie serait la  meilleure réponse. Le médiateur n’étant pas un thérapeute, il lui revient alors de  pouvoir déceler le cas et d’orienter la personne vers un spécialiste.

1-6 La convention de procédure participative 

Il s’agit d’un mode récent de résolution des conflits, notamment en France (article 37 de la loi  du 22 décembre 2010).

L’article 2062 du Code civil français, définit la convention de procédure participative comme  « une convention par laquelle les parties à un différend n’ayant pas encore donné lieu à la  saisine d’un juge ou d’un arbitre, s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la  résolution amiable de leur différend ».

Par contre, elle n’est pas applicable dans le cadre des contrats de travail (article 2064 du  même code civil)26.

Ces différents modes de règlements de conflits que nous venons d’analyser sont applicables à la pêche industrielle dont les acteurs se comportent en général comme des hommes  d’affaires. Ce qui n’est pas le cas de la pêche artisanale qui implique des communautés et  donc, qui présente ses spécificités, nécessitant des modes de règlements de conflits plus  adaptés.

CHAPITRE II – MOYENS DE REGLEMENT DES CONFLITS EXISTANT  DANS LA PECHE ARTISANALE EN COTE D’IVOIRE 

Jusqu’à ce jour, les communautés de pêche artisanale en Côte-d’Ivoire ont essayé de régler  leurs problèmes soit, devant les chefs traditionnels qui, selon la nature du problème peuvent  convoquer une réunion sous l’arbre à palabre, soit devant le préfet, soit devant le conseil  intercommunautaire de médiation du Lac Kossou, pour le cas de cette zone, soit devant  l’administration des pêches.

2-1 Règlement devant les chefs traditionnels 

En général, les communautés de pêche disposent d’un chef qui parle en leur nom. Donc,  lorsqu’un problème surgit, soit au niveau des individus, soit au niveau de la communauté, les  chefs sont sollicités pour le régler. Lorsque c’est au titre des individus, les personnes  concernées sont convoquées devant les chefs pour être écoutées. Les chefs, avec l’appui de  leurs conseillers, essaient de trouver des solutions afin que la paix et la bonne cohabitation  règnent parmi les communautés.

Ceci est aussi valable lorsque des pécheurs étrangers enfreignent des règles de leur terre  d’accueil. C’est le cas, lorsqu’il utilise, soit une technique de pêche peu recommandable, soit  il bafoue des interdits culturels. Par exemple ne pas aller à la pêche un jour considéré  comme sacré par la communauté autochtone. En général, après que les deux chefs de  communautés se soient rencontrés, une amende est opposée à l’accusé. Mais il peut arriver  que les chefs estiment que le litige dépasse leur seule compétence, alors ils convoquent une  réunion sous l’arbre à palabre.

2-2 Règlement sous l’arbre à palabres 

En Afrique, l’arbre à palabres est un lieu traditionnel de rassemblement, en général un  baobab ou le plus gros arbre à feuillage du village, à l’ombre duquel on s’exprime sur la vie  en société, les problèmes du village, la politique. C’est aussi un lieu où les enfants viennent  écouter conter des histoires par un ancien du village, où l’on célèbre les fêtes et autres  manifestations de joie comme de peine.

Mais en général comme c’est le cas en Côte-d’Ivoire, c’est aussi l’endroit où l’on règle les  conflits qui impliquent toute la société villageoise. On pourrait l’appeler le tribunal traditionnel  local.

Dans nos recherches, les définitions que nous avons trouvées se rejoignent :

Sur le site www.Abaobab.com, on peut lire que «la palabre est une coutume de rencontre et  de création ou de maintien de lien social. Cela permet également de régler un contentieux  sans que les protagonistes ne soient lésés. En Afrique, on se réunit au pied de l’arbre à  palabre, généralement le baobab, pour discuter des décisions importantes à prendre pour  l’avenir d’une communauté»27

Selon le site www.arbreapalabre.com, l’arbre à palabre est le lieu où en Afrique, on se  retrouve le soir venu dans un village, pour entamer des « discutions longues et houleuses »28,  mais aussi pour conter, pour organiser la cité, ou encore pour parler de sujets plus  légers…C’est le lieu du discours et du « logos », de la parole et de l’écoute.

Nelson Mandela, l’ex-président d’Afrique du Sud, voyait lui-même dans la palabre africaine  une «institution démocratique à part entière». Dans son autobiographie, il met en avant le  rôle déterminant des assemblées dans la vie politique, affirmant que «tous ceux qui voulaient  parler le faisaient. C’était la démocratie sous sa forme la plus pure»29.

Damien Rwegera, un anthropologue rwandais affirme ceci : «En Afrique, le sablier n’existe  pas. Nous prenons le temps de discuter. Les gens ont besoin aujourd’hui qu’on prenne plus  le temps. Dans le secteur hospitalier, par exemple, ils veulent être traités avec plus  d’humanité, qu’un tiers les accompagne. » Et il conclut par cette phrase : « Il faut une  médiation à l’africaine»30.

C’est bien le cas de le dire. Il s’agit bien d’une forme de médiation. Ne dit-on pas que la  médiation est née en Afrique ?

L’Afrique, dans les relations sociales, donne beaucoup d’importance aux liens que les gens  tissent les uns avec les autres. Un proverbe sud-africain l’exprime bien en ces termes : « Je  suis ce que je suis grâce aux autres ». Et le Pr. Stephen Bensimon soutient que cette  philosophie sous-tend la médiation31.

On comprend aisément pourquoi les communautés de pêche artisanale en Côte-d’Ivoire  utilisent largement l’arbre à palabre comme moyen de règlement de leurs litiges.

Cependant ce système, bien que célèbre comporte bien des défaillances.

En général, c’est la voix de la sagesse qui prime. Donc ce sont des personnes habilitées

dites « sages » qui conduisent les discussions pour concilier les points de vue.

En Afrique, on conçoit mal de laisser un jeune ou une femme régler les problèmes de société  au grand jour même si l’on conçoit l’adage selon lequel « derrière un grand homme, il y a  une grande femme », les femmes étant supposées conseiller leurs époux la nuit.

Par ailleurs, même si l’arbre à palabre permet aux litigants d’exposer leurs faits tels qu’ils  l’ont vécu, la résolution du problème par les sages, les « médiateurs » du moment, compte  tenu du poids de la tradition, privilégieront de donner des conseils, des mises en garde et  des recommandations » tout en « prônant la pondération, le compromis et la concorde » et la  solution qui en résulte « transcende les parties pour se conformer aux traditions »32

Les sages tranchent très souvent le litige en faveur de l’ainé contre le jeune ou de l’homme  contre la femme pour leur permettre de ne pas perdre la face devant la collectivité. Il ne  s’agit pas d’une médiation qui prend en compte les ressentis et les intérêts profonds des  parties.

Cette analyse qui correspond plus aux réalités africaines de l’arbre à palabre, contredit la  définition du site Abaobab que nous avons cité plus haut.

Les intérêts des parties n’étant pas satisfaits, le problème peut ressurgir quelque temps  après. Et dans ce cadre, une autre instance peut être sollicitée pour régler le litige.

2-3 Règlement devant le Préfet et l’administration des pêches 

En Côte-d’Ivoire, comme dans la plupart des pays francophones d’Afrique, la préfecture  représente l’autorité de l’Etat dans les localités. Ainsi, certains conflits sont portés devant  cette autorité pour règlement. Lorsque le conflit entre dans une certaine envergure, le Préfet  prend un arrêté pour éviter des récidives.

Au plan de l’administration des pêches, il faut reconnaitre que c’est depuis la période  coloniale qu’une certaine organisation a essayé de se mettre en place.

En 1906, le Gouverneur Roume, créa l’Office de recherche et d’organisation des pêcheries  de l’Afrique Occidentale Française, en même temps que sont lancées les missions de  recherche halieutique « Gruvel » et « Monod »33.

Dans cette ligne, les autorités coloniales de Côte-d’Ivoire mettent en place un dispositif  institutionnel comprenant des services administratifs et techniques ainsi que des instituts de  recherche animés par des experts spécialistes du domaine, en particulier des biologistes et  techniciens de pêches. L’administration coloniale diligente des études à des fins statistiques  et commerciales sur la filière, mais encore, organise la connexion du dispositif institutionnel  avec le secteur privé colonial34.

Apres l’indépendance, l’administration des pêches s’est étendue au fur et à mesure à  l’intérieur du pays. L’objectif principal est d’encadrer les acteurs du secteur et les sensibiliser  aux bonnes pratiques. Ainsi, les conflits nés des mauvaises pratiques notamment et qui n’ont  pas trouvé de solutions devant les instances traditionnelles, sont portées devant  l’administration des pêches. Lorsqu’un problème prend trop d’ampleur et dont les dégâts  risquent de nuire au plus grand nombre, l’administration des pêches saisit sa tutelle à savoir  le ministère des ressources animales et halieutiques qui peut prendre un arrêté, voire ériger une règlementation comme c’est le cas contre la pêche illicite appelée aussi pêche INN.

2-4 Lutte contre la pêche INN 

La pêche illicite, non déclarée et non réglementée, c’est l’ensemble des comportements qui  appauvrissent les stocks de poisson, détruisent les habitats marins, faussent la concurrence  au détriment des pêcheurs honnêtes ainsi que les petit pêcheurs.

Elle concerne non seulement la pêche industrielle mais également artisanale. C’est  l’ensemble des mauvaises pratiques qui consiste à pêcher du poisson soit dans des endroits  où il ne le faut pas, soit avec des moyens prohibés. L’incursion des bateaux de pêche industrielle dans les eaux de la pêche artisanale est décriée dans cette pèche comme nous  venons de le voir. Il faut y ajouter les autres pratiques de la pêche avec des engins ou autres  filets de pêche qui ramassent toute sorte de poisson y compris les tous petits qui n’ont pas le  temps de grandir. Les eaux s’appauvrissent rapidement car le poisson n’a pas le temps de  se reproduire. C’est une pratique égoïste car ceux qui pêchent à la suite des autres n’ont  plus rien et retournent bredouille.

Une autre pratique consiste à verser dans l’eau des pesticides qui tuent les poissons qui  remontent à la surface. C’est une pêche sans effort mais dangereuse car ce poisson n’est  pas propice à l’alimentation. Malheureusement le consommateur non averti l’achète et  s’expose ainsi à une intoxication.

Que ce soit en pêche maritime ou continentale, cette pratique n’arrange personne. C’est  pourquoi les Etats ainsi que les institutions régionales et internationales s’organisent pour  trouver des stratégies de lutte contre elle.

Ainsi l’Union européenne finance des conférences de sensibilisation à travers le monde,  notamment en Afrique et en Europe, pour la dénoncer. Elle a pris également des mesures  dont des sanctions contre les bateaux de pêche européens qui s’adonnent a cette pratique.  En dehors de l’Union européenne, certaines ONG européennes font du tracking (traçabilité)  sur des types de poisson tel que la perche du Nil jusque dans les restaurants européens pour voir si ces poissons sont pêchés dans des conditions honnêtes.

En Afrique, des institutions régionales ainsi que des ONG font aussi de la sensibilisation et  renforcent les capacités des acteurs pour faire pression sur les Etats, afin qu’ils ne laissent  pas faire. En effet, certains Etats peuvent être amenés à fermer les yeux sur des pratiques de la pêche industrielle pour une contrepartie financière.

Pour mieux mener la lutte, certains états se sont donnés différents moyens.

2.5 La réglementation et les mesures de sécurité 

2-5-1 La réglementation 

L’Etat de Côte d’Ivoire, pour mieux administrer le secteur de la pèche, s’est doté de  règlements dont la loi du 26 Juillet 2016 sur la pêche et l’aquaculture. Cette loi en son Article  premier définit la pêche INN comme suit :

Pêche illicite : toute activité de pêche :

  • menée par des navires nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes, placées sous la juridiction d’un Etat, sans la permission de cet Etat, ou en violation des lois  et règlements en vigueur ;
  • menée par des navires, battant pavillon d’un Etat qui est partie contractante à une  organisation régionale pertinente de gestion des pêches, mais qui opèrent en  violation des mesures de conservation et de gestion adoptées par ladite  organisation et par lesquelles ledit Etat est lié ou des dispositions pertinentes du  droit international ;
  • menée en violation des lois nationales ou des obligations internationales contractées par les Etats, coopérant avec une organisation régionale pertinente de gestion des  pêches.

 

Pêche non déclarée : toute activité de pêche

  • qui n’a pas été déclarée ou qui a été déclarée de manière inexacte aux autorités nationales compétentes, en violation des lois et règlementations en vigueur ;
  • menée dans la zone de compétence d’une organisation régionale pertinente de  gestion des pêches et qui n’a pas été déclarée ou qui a fait l’objet d’une déclaration inexacte, en violation des procédures de déclaration de cette organisation.

Pêche non règlementée : toute activité de pêche

  • menée dans la zone de compétence d’une organisation régionale pertinente de  gestion des pêches, par des navires de pêche sans nationalité, par des navires  battant pavillon d’un Etat qui n’est pas partie a cette organisation ou par une unité de  pêche ne se conformant pas ou contrevenant aux mesures de conservation et de  gestion de cette organisation ;
  • menée dans les zones ou concernant des stocks de poissons pour lesquels il n’existe  pas de mesures de conservation ni de gestion, par des navires de pêche, quand ces  activités de pêche sont menées d’une façon non-conforme aux dispositions prises  par l’Etat pour la conservation des ressources biologiques marines, en application du  droit international »35.

De plus, la même loi précise encore dans son Article 2, alinéa 3 et 4, vouloir lutter contre la  pêche INN et préserver la ressource halieutique comme patrimoine, pour les générations présentes et futures.

La loi va plus loin en précisant dans son Article 9, la taille des mailles des filets autorisée ainsi que les zones et les périodes de repos biologiques.

Dans l’Article 10, la pêche aux matières explosives et aux substances toxiques est interdite.

La loi sur la pêche et l’aquaculture prévoit même des mesures pour prévenir les conflits. Par  exemple en son article 13, elle impose aux armateurs, la souscription a une assurance pour  garantir le remboursement des dégâts causes aux pêcheurs artisans.

Egalement des missions de bons offices ou de conciliation sont envisagées pour le  règlement des conflits. En dernier recours le ministre des ressources animales et  halieutiques peut-être saisi d’une infraction, il dispose alors de 3 jours pour saisir le  procureur de la république. Cette précision peut être lue dans l’article 67 de la même loi.

Au-delà de la loi sur la pêche et l’aquaculture, la Cote d’Ivoire a préparé un plan stratégique de développement de la pêche36 qui prévoit entre autres :

  • Améliorer la formation professionnelle de base, avec la réhabilitation et l’équipement des écoles et revoir les programmes de formation auxquels nous pensons qu’il faille  ajouter désormais un module sur la médiation
  • Renforcer la gouvernance des pêches et favoriser la gestion participative des  pêcheries et des plans d’eau. Nous proposons ici de mettre sur pied des comités locaux de cogestion de la pêche qui donnent plus de transparence et favorise une  bonne gouvernance
  • Renforcer les capacités des organisations professionnelles
  • Renforcer le contrôle et la surveillance des côtes et la préservation de  l’environnement aquatique, avec la surveillance de la zone ZEE et la lutte contre la  pêche INN.

Cette mesure de sécurité à travers le contrôle et la surveillance des cotes est en pleine  réalisation.

2-5-2 Règlement de la question de la sécurité 

Cette question concerne essentiellement la surveillance des côtes, des bateaux de pêche  industrielle pour préserver la sécurité des pécheurs artisans en mer dont les pirogues se font  renverser par les bateaux de pêche industrielle occasionnant des pertes en vies humaines.

L’administration des pêches s’est dotée d’un centre de surveillance satellitaire. Cela consiste  notamment à placer des balises sur les bateaux de pêche afin d’aider à la surveillance de  leurs actions à l’intérieur des bateaux comme en mer. Ce dispositif pourrait aussi aider la  surveillance de l’incursion des bateaux étrangers dans la zone réservée à la pêche  artisanale. L’opération est en cours d’exécution et sera achevée d’ici la fin de l’année 2017,  selon les autorités administratives de la pêche.

Cette mesure de sécurité ne concerne pas pour le moment les zones de pêche non  maritime. Mais pour les pêcheurs du Lac Kossou, ce n’est point un problème, ils arrivent à gérer leurs questions de sécurité grâce a une discipline interne aux communautés. Cela a  été rendu possible par un système de règlement des conflits dont elles se sont dotées.

Le Conseil intercommunautaire de médiation du Lac Kossou

Ce conseil demeure un cas exceptionnel en termes de règlement des conflits dans les zones  de pêche en Côte-d’Ivoire.

Selon le journal Fraternité Matin, pécheurs maliens Bozo et ivoiriens Baoulé, se sont  opposés, pendant plus de 30 ans sur les pratiques de la pêche, les us et coutumes des uns  et des autres.

Les Baoulé reprochaient aux Bozo de créer leurs campements et d’aller souvent sur les lieux  où les autochtones ne pêchent pas. Ils sont aussi accusés d’avoir des pratiques et des  moyens matériels de pêche dont les autochtones ne bénéficient pas. C’est le cas des  réseaux enchevêtrés d’hameçons.

Les Bozo, eux, reprochaient aux Baoulé de détruire leurs matériels, leurs campements, et de  vouloir s’accaparer de leurs productions, etc.

La crise de confiance va se transformer au fil des années en conflit allant jusqu’à des dégâts  matériels et parfois des pertes en vies humaines. Le conflit a atteint son paroxysme avec  l’expulsion de milliers de pêcheurs Bozo en 2001 du plan d’eau du lac de Kossou (Frat Mat  du 12 décembre 2011).

Mais à la faveur de la rébellion en 2002, les pécheurs Bozo sont revenus. La Cote d’Ivoire  était coupée en deux : zone gouvernementale au Sud et zone CNO (Centre Nord et Ouest).  A leur retour, ils ont voulu exercer des représailles contre les pécheurs ivoiriens, ce qui a  provoqué une nouvelle crise. C’est ainsi que les Forces quadripartite (Licorne, force  onusienne, Forces de défense et de sécurité et Forces armées des forces nouvelles) ont eu  l’idée de mettre sur pied un Conseil intercommunautaire de médiation du Lac Kossou.  L’objectif était de renforcer la base de la cohésion sociale.

Malheureusement, suite à l’opération militaire « Dignité » menée par le gouvernement  d’alors, contre la Licorne en 2004, l’armée française a quitté la région. Une certaine léthargie s’est emparée du Conseil de médiation et le mur de la méfiance s’est réinstallée entre les  deux communautés.

En 2010, le représentant de l’administration des pêches dans la localité, a eu l’idée de  redynamiser le Conseil et a pu mobiliser des fonds pour mener des activités de  sensibilisation. C’est ainsi qu’au cours d’une rencontre d’échanges à la base, les deux  communautés, avec l’appui du Conseil de médiation ont retenu des points de discorde au  nombre de 15 :

– L’exploitation des bas-fonds ;

– Les espaces aménagés pour les sennes de plage ;

– L’utilisation des GANGARI (technique de pêche);

– L’utilisation de l’épervier (technique de pêche);

– La pratique de la pêche à l’aide des filets de petites mailles ;

– L’utilisation des bambous ;

– L’utilisation d’engins avec des filets de petites mailles ;

– Tapage d’eau ;

– Vol des pirogues et matériels ;

– La pratique de la méthode CORICORI (technique de pêche);

– La pratique de la méthode VA ET VIENT;

– Droit d’installation ou de résidence ;

– Interdits et totems ;

– La pollution des eaux du lac ;

– Conflit éleveurs et pêcheurs.

On se rend compte en parcourant la liste des 15 points de discorde que les techniques de  pêche (engins, filets …) et de méthode (sennes tournantes, filet de petites mailles etc.) en  constituent la base essentielle.

Ensuite, un code de bonne cohabitation a été mis en place. Grace à la bonne exécution de  ce code, Mr Noel N’Goran nous confirme que, depuis 2011, il n’y a plus eu de crise. Parmi les points de discorde, on note également le non-respect des totems et interdits. Par  exemple, ne pas aller à la pèche le vendredi. Il existe également des droits d’installation  érigés pour les étrangers qui doivent trouver un tuteur ivoirien. Avant le code de bonne  cohabitation, les pécheurs Bozo ne respectaient pas ces interdits, ce qui occasionnait les  conflits.

Dans le code de bonne cohabitation, des sanctions sont prévues. Par exemple, un pécheur qui vole le matériel d’autrui est dans l’obligation de payer 50 000 F CFA d’amende en  complément d’un casier de boisson. Lorsque la faute est grave, le pécheur en cause écope d’un an de suspension d’activités.

Le code de bonne cohabitation s’ajoute à la règlementation de l’administration des pêches.

Voici quelques extraits du code de bonne cohabitation :

« Article 1 : Conflits liés à l’exploitation des bas-fonds (bras d’eau) par la méthode de  barrage 

L’exercice de la pêche dans les bas-fonds à l’instar des baies et embouchures, est interdit  sur l’étendue du lac de Kossou.

Article 2 : Conflits liés à l’exploitation des espaces aménagés pour les sennes de  plage 

L’exercice de la pêche au moyen de la senne de plage est désormais soumis à la limitation  maximum de quatre (04) espaces aménagés par pêcheur. Ces espaces ne constituent pas  un héritage pour celui qui l’a aménagé. Ces espaces peuvent être occupés par une tierce  personne au cas où la première personne quitte les lieux.

Article 3 : La pratique de la méthode de pêche à l’hameçon appelée gangari 

L’utilisation de l’engin de pêche communément appelé Gangari (palangrotte) est interdite sur  le lac de Kossou.

Article 4 : La pratique de la pêche à l’épervier 

L’utilisation de l’engin de pêche communément appelé Épervier est interdite sur le lac de  Kossou.

Article 5 : La pratique de la pêche à l’aide de filets de petites mailles 

L’utilisation des filets maillants de maille inférieure à 35 mm de côté est formellement  interdite sur le lac de Kossou. (Dimension de maille exigée : supérieure ou égale à 35 mm)

Article 6 : La pratique de la pêche à l’aide des bambous 

L’usage des bambous comme engin de pêche est formellement interdit sur le lac de Kossou Article 7 : La pratique de la pêche au papolos (nasse) avec de petites mailles 

L’utilisation des nasses communément appelées « papolos » est autorisée sous condition de  respecter la dimension des mailles supérieures ou égales à 35 mm de côté.

Article 8 : La pratique du tapage d’eau de nuit (pêche par poursuite) La pratique du ‘’tapage d’eau’’ est interdite sur le lac de Kossou

Article 9 : Vol des pirogues et de matériels 

– L’immatriculation des pirogues de chaque pêcheur est obligatoire chaque année.

– Les auteurs de vol de toutes natures sont punis d’une amende de 50 000 francs CFA, un  casier de boisson et un an de suspension d’activité de pêche sur le lac de Kossou selon  l’accord inter-pêcheurs de 2004

Article 10 : La pratique de la méthode coricori 

La pratique de la méthode communément appelée ‘’Coricori’’ est interdite sur le lac de  Kossou

Article 11 : La pratique de la méthode de pêche va-et-vient 

L’utilisation de l’engin de pêche communément appelé ‘’va-et-vient’’ est acceptée et  autorisée sous condition du respect des dimensions de mailles réglementaires (35 mm de  côté)

Article 12 : Droit d’installation ou de résidence 

– Tout pêcheur allogène ou allochtone est tenu d’avoir un tuteur résidant dans le village  d’accueil

– Tout pêcheur allogène ou allochtone est tenu de respecter le droit d’installation ou de  résidence imposé par le village d’accueil.

Article 13 : Interdits et totems 

Tous pêcheurs allogènes, allochtones et autochtones sont tenus de se soumettre aux totems  et aux interdits en fonction du site ou village d’accueil quelle que soit sa religion.

Article 14 : Pollution des eaux du lac 

Tous les pêcheurs et populations riveraines du lac sont tenus de sensibiliser à la lutte contre  la pollution des eaux sur toutes ses formes.

Article 15 : Conflits Éleveurs-Pêcheurs : 

Chaque campement de pêcheurs est tenu de réserver un passage pour les animaux  d’élevage (bœufs…) et le signifier aux éleveurs et aux pêcheurs.

Article 16 :

Ce code de bonne cohabitation entre en vigueur à partir du 1er Janvier 2012 afin de  permettre à chaque pêcheur

– D’amortir le matériel déjà acheté

– De se reconvertir aux techniques et méthodes autorisées par la réglementation pêche  en Côte-d’Ivoire.

Article 17 : 

Le présent code de bonne cohabitation peut subir des aménagements en Assemblée  générale extraordinaire sur proposition du bureau exécutif du Conseil Intercommunautaire de  Médiation du Lac de Kossou et cela après accord de l’administration en charge de la pêche  conformément à la réglementation de pêche.

Article 18 : 

Le présent code de bonne cohabitation ne tient pas lieu de disposition légale réglementant la  pêche sur le lac de Kossou. Néanmoins, il peut être soumis aux autorités compétentes, afin  de prendre un acte officiel dans le cadre de la recherche d’une paix durable en vue du  développement de la filière pêche.

Article19 : 

Le présent code de bonne cohabitation complète le règlement intérieur du Conseil  Intercommunautaire de Médiation du Lac de Kossou et devra être publié partout où besoin  sera » (Frat Mat du 12 décembre 2011).

Côté organisationnel, le Conseil intercommunautaire de médiation dispose de comités locaux dans les villages qui règlent les affaires mineures à l’amiable.

Les deux communautés de pêcheurs ivoiriens et Bozo vivent aujourd’hui en bonne entente  au point de s’inviter dans des cérémonies de réjouissance, de partage de repas, etc. Cette cohésion sociale, fait la joie des chefs traditionnels, des chefs de communautés, des préfets, voire de l’administration des pêches qui s’investissaient tous dans la recherche d’une  solution des conflits notoires de pécheurs ivoiriens et Bozo autour du Lac Kossou.

Cette expérience réussie commence à créer de l’émulation. Le Conseil a été invité à l’intégrer dans le règlement des conflits éleveurs-agriculteurs au centre et au Nord de la Cote  d’Ivoire.

Comme nous venons de le voir, l’expérience du Lac Kossou a certes fait ses preuves, mais  rien ne nous garantit qu’en l’absence du Conseil intercommunautaire de médiation, les  pécheurs Bozo et Baoulé continueront de vivre en harmonie comme c’est le cas aujourd’hui.  De plus, le code de bonne cohabitation établi, apparait comme une loi que chacun doit  respecter, ce qui nous ramène en quelque sorte aux règles juridiques. La seule différence est  qu’ici, ce sont les pécheurs eux-mêmes qui ont établi leurs règles.

Les différents moyens de règlement à l’amiable susmentionnés, en dehors de celui du Lac  Kossou, ont certes aidé le secteur mais ne sont pas arrivées à apporter la paix totale aux  communautés de pêcheurs en Côte-d’Ivoire de manière durable.

Sachant que les activités de la pêche artisanale se transmettent de père en fils et de mère  en fille, il est évident que des liens ancestraux se tissent entre les acteurs et que, non  seulement les personnes se connaissent mais les communautés elles-mêmes se  connaissent. Or, les conflits en général naissent entre des personnes qui se connaissent.

Les techniques de médiation au sens moderne du terme apparaissent ainsi comme l’une des  meilleures armes pour aider à reconstruire ces liens ancestraux brisés par des conflits.

 

CHAPITRE III- LES TECHNIQUES MODERNES DE MEDIATION  COMME MOYENS DURABLES DE REGLEMENT DES CONFLITS DE  LA PECHE ARTISANALE 

La médiation, selon le Pr. Stephen Bensimon, philosophe, médiateur et Directeur de  Ifomene, aide à réparer, reconstruire les relations humaines. Elle est à l’intersection du droit,  de la communication et de la psychologie37. Ces trois éléments serviront de guide pour  l’analyse qui suit en vue de trouver des pistes de solutions aux différents conflits qui minent  le secteur de la pêche artisanale

Ces conflits dont nous avons relevé l’essentiel plus haut, ont trait à des questions de droits  de propriété terrienne, de communautés étrangères migrantes, de nouvelles techniques de  pêche apportées par des pécheurs étrangers mais méconnues des communautés  autochtones etc. Cela suppose de la méconnaissance de la part d’une des parties et du  manque de communication entre ceux qui arrivent et ceux qui reçoivent. Il va donc falloir  avoir recours à cet outil de connaissance mutuelle et de compréhension qu’est la médiation.

Mais comment la définit-on réellement ? La loi sur la médiation en Côte-d’Ivoire nous y  aidera.

3.1 La loi sur la médiation en Côte-d’Ivoire, un facteur favorable 

La loi No 2014-389 du 20 Juin 2014, constitue une base favorable à l’exercice de la  médiation en Côte-d’Ivoire et pour ce qui nous concerne ici pour les communautés de pêche  artisanale.

Son article 1er stipule que « la médiation est un mode alternatif de règlement de litiges par  lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir un accord en vue de la résolution  amiable de leur différend, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné  avec leur accord, par le juge saisi du litige »38.

Cette définition s’applique parfaitement au secteur de la pêche artisanale car les parties dont  il s’agit ici peuvent être des personnes individuelles comme des communautés ou des  représentants de communauté. Une autre remarque est que les communautés de pécheurs  étant traditionnalistes, elles se présentent rarement devant le juge étatique pour régler leurs    problèmes. Elles sont donc naturellement habituées aux règlements à l’amiable, ce qui peut  faciliter l’introduction de la médiation dans ce milieu.

Mais n’est pas médiateur qui le veut, il faut encore répondre à certaines conditions.

3-1-1 Les conditions pour être médiateur 

Que ce soit dans la médiation judiciaire que conventionnelle, le médiateur désigné par le  juge sur accord des parties ou désigné par les parties quand il s’agit de la conventionnelle,  doit répondre aux conditions suivantes (Art. 11) :

❖ n’avoir pas fait l’objet d’une condamnation pénale devenue définitive pour des faits  contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ;

❖ ne pas être frappé d’une incapacité ou d’une déchéance ;

❖ n’avoir pas été l’auteur de faits ayant donné lieu à une sanction disciplinaire de  destitution, de radiation, de révocation, ou à une sanction administrative de retrait  d’agrément ou d’autorisation ;

❖ avoir la qualification requise eu égard à la nature du litige ;

❖ justifier d’une formation pratique aux techniques de médiation suivie dans une école  de formation en médiation ou d’un agrément de médiateur auprès d’une institution de  médiation ou d’une expérience avérée dans la pratique de la médiation ;

❖ présenter les garanties de neutralité, d’indépendance et d’impartialité nécessaires à  l’exercice de sa mission.

Une fois ces conditions remplies, le médiateur peut s’engager dans un processus de  médiation en présence des parties en commençant par situer le cadre des échanges.

3-1-2 Le cadre 

Dans l’article 5 de la loi, il est écrit : « les parties ou leurs représentants dûment mandatés se  présentent personnellement à la médiation. Elles peuvent se faire assister d’un avocat ou de  toute autre personne de leur choix pendant la durée de la médiation. Toutefois, le médiateur,  s’il le juge utile, à la bonne exécution de sa mission, peut recevoir les parties hors la  présence de leur conseil ou de la personne qui les assiste ».

Notons dans cet article les mots « dument mandatés », ce qui suppose un document écrit.  Cette question des mandats fait partie des règles de la médiation. Elle doit être bien explicitée dès le départ, par exemple en séance de pré-médiation, par le médiateur aux  communautés de pécheurs artisans qui sont en général de tradition orale. Le médiateur doit également être bienveillant au traitement égal des parties; car dans le  milieu de la pêche artisanale, les gens aiment qu’on leur accorde de l’attention, mais il faudra  que cela soit fait de manière égale aux parties en présence.

Le médiateur doit veiller également au respect de la confidentialité non seulement par  rapport à lui-même en tant que médiateur mais aussi par rapport aux parties dans la mesure  où dans ces communautés, les gens sont très liés et peuvent se confier facilement les uns  aux autres.

Il précisera la possibilité des apartés lorsque le besoin se fait sentir. Même dans ce cas, la  confidentialité est de rigueur et rien ne sera révélé sans la volonté des parties.

Le médiateur explique aussi le respect mutuel et qu’il n’y aura pas de passage à l’acte, à  savoir pas d’injures ou de mots déplacés dans le langage.

Il leur fait remarquer qu’elles (les parties) ont choisi librement la médiation comme mode de  règlement de leur litige et qu’elles sont libres de s’en retirer à tout moment.

Il montre également son indépendance vis-à-vis des parties en leur démontrant qu’il ne les  connaissait pas.

Il n’oublie pas de leur dire qu’il fera tout pour être le plus neutre possible mais si jamais une  partie ressent qu’il ne l’est pas suffisamment, qu’il n’hésite pas à le lui faire remarquer.

Puis, il (le médiateur) insiste sur son impartialité à savoir qu’il n’a pas de parti pris dans les  décisions qui seront prises, qui viendront des parties et rien que des parties elles-mêmes.

Ensuite, ensemble, ils déterminent le temps des discussions et le médiateur en profite pour  leur fixer le montant de ses prestations, payables de manière équitable par les deux parties ; sauf dans le cas de la médiation judiciaire ou le montant est fixé par le juge.

3-1-3 Médiation judiciaire ou conventionnelle 

3-1-3-1 La médiation judiciaire 

La loi sur la médiation en Côte-d’Ivoire, dans son chapitre 2, Article 7 explique ceci : « Le  juge saisi d’un litige portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition peut, après  avoir recueilli leur accord, designer une institution de médiation ou un médiateur, pour mettre en œuvre la procédure devant les aider à trouver une solution consensuelle au litige qui les  oppose ».

En général, les communautés de pêche artisanale, très traditionnalistes, ne sont pas  enclines à se présenter naturellement au juge étatique pour régler leurs affaires. Cependant, la médiation judiciaire peut être envisagée dans la mesure où avec l’évolution, ces  communautés, comme nous l’avons vu plus haut, commencent à s’organiser. Leurs  organisations faitières pourraient donc prendre les devants notamment face aux dégâts que  les pécheurs artisans subissent à cause de l’incursion des bateaux de pêche industrielle  dans les eaux réservées à la pêche artisanale, allant jusqu’à des pertes en vies humaines.

Même s’il est possible que ces conflits aillent au tribunal, nous recommandons que le juge  désigne avec l’accord des parties, un médiateur. Car les acteurs de la pêche artisanale et de  la pêche industrielle, exerçant la même activité, même si ce n’est pas avec les mêmes  moyens, sont appelés à se côtoyer. La médiation judiciaire peut donc les aider à reconstruire  leurs ponts, à entretenir leurs relations.

Néanmoins, nous pensons que la médiation conventionnelle peut être la plus sollicitée dans  le secteur de la pêche artisanale.

3-1-3-2 La médiation conventionnelle 

Dans la loi No 2014-389 du 20 Juin 2014, chapitre 3, Article 21, on peut lire : « Les parties  peuvent recourir conventionnellement a la médiation pour mettre fin à tout ou partie d’un  litige né ou à naitre portant sur des droits dont elles ont la libre disposition ». Article 23 : « la médiation conventionnelle peut être ad hoc ou institutionnelle. La médiation conventionnelle ad hoc s’entend de toute procédure amiable organisée  directement par les parties elles-mêmes pour désigner le médiateur et organiser la  procédure de médiation.

La médiation conventionnelle est dite institutionnelle lorsque les parties font appel à une  institution de médiation pour organiser la procédure ».

Les communautés de pécheurs en Côte-d’Ivoire sont naturellement habituées à aller vers,  soit le chef de terre, soit les chefs de communautés, soit le préfet, soit l’administration des  pêches, pour les aider à régler leurs litiges. Elles peuvent donc facilement s’entendre pour  désigner un médiateur ou solliciter l’aide d’une institution de médiation pour organiser une  procédure de médiation.

Par ailleurs, ce système leur sied parce qu’elle est moins procédurière. La médiation  conventionnelle peut donc facilement les aider à préserver leurs liens, sachant que les  activités de pêche artisanale sont imbriquées les unes dans les autres. Par exemple : le pécheur artisan vend son poisson a un(e) mareyeur (se) 39 ou à une transformatrice de  poisson40 qui à son tour le vend a des commerçants de poisson. Ces différentes entités  constituent des communautés les unes liées aux autres, voire dépendantes les unes des  autres. Dans ces conditions, il serait dommageable que les relations restent coupées sur le  long terme. D’où l’intérêt pour elles, de la médiation, notamment conventionnelle qui  nécessite des techniques appropriées.

3-2 Les outils de la médiation 

La médiation fait intervenir un tiers qui accompagne les parties en conflit à trouver elles mêmes une solution durable à ce qui les oppose. Elle offre un cadre, des règles de  fonctionnement, un espace de parole sécurisé pour permettre la co-création de solutions par  les personnes en conflit elles-mêmes, solutions sur mesure qui tiennent compte des besoins  et des valeurs de chacun. Cette méthode d’intervention nécessite des outils appropriés dont  le médiateur lui-même, l’écoute active, la reformulation, le questionnement et de manière transversale à tout cela, la validation.

3-2-1 Le médiateur lui-même 

Le médiateur est l’acteur principal du processus. Il n’est ni juge, ni arbitre. Il doit être capable  d’accueillir les émotions des médiés, les analyser avec la tête et le ventre. C’est un  baromètre qui doit faire en sorte que la confiance, socle de la médiation, s’installe.

En sus des conditions décrites à l’article 11 de la loi du no 2014-389 du 20 Juin 2014 sur la  médiation en Côte-d’Ivoire, un bon médiateur, au-delà de répondre aux principes et règles connues de la médiation doit :

▪ Avoir une autorité naturelle : doublée d’une autorité morale : digne de confiance pour  le juge qui le désigne ou pour les parties qui le choisissent

▪ Avoir l’humilité : se mettre dans une attitude d’enfant pour apprendre des parties, les  éléments nécessaires à la compréhension des problèmes posés

▪ Etre patient : prendre le temps nécessaire pour conduire le processus ; dédramatiser les situations ; créer une atmosphère propice au dialogue

▪ Etre capable d’une écoute attentive : savoir écouter, discerner les causes réelles du  litige ; avoir de l’empathie pour accueillir les émotions etc.

▪ Savoir prendre du recul par rapport au litige qui lui est soumis

▪ Etre capable d’une grande sagesse : pour maitriser des situations imprévisibles

▪ Etre disponible : savoir consacrer du temps au processus. Cela ne l’empêchera pas  de donner un rythme au déroulement de la médiation

▪ Etre diplomate : Il doit choisir ses mots ; éviter tout propos agressif ou déplacé ;  rechercher l’apaisement, créer un climat favorable à la compréhension mutuelle

▪ Etre courtois, tout en étant capable de fermeté

▪ Etre capable d’inventivité : avoir l’esprit suffisamment vif pour saisir dans les discours  des parties, les éléments de solution, les « perches tendues » qui peuvent amener au  règlement du conflit.

Tous ces éléments réunis doivent permettre au médiateur de pratiquer une bonne  communication, celle qui laisse l’autre s’exprimer, qui sait questionner, provoquer, laisser  l’autre aller jusqu’au fond de sa pensée pour déceler ses sentiments les plus profonds.

3-2-2 L’écoute active 

La technique essentielle pour aboutir positivement à un résultat dans une médiation est  l’écoute active. Le médiateur, autant que les parties doivent avoir de l’empathie, c’est-à-dire  être à l’écoute de l’autre, se mettre à sa place pour le comprendre. Les médiés doivent  accepter qui, ils sont et, ce que les autres sont ; que l’un et l’autre aient des points de vue  différents et qu’ils doivent s’accepter mutuellement ; accepter de se parler, de s’écouter. Il  s’agit d’une « écoute active qui prend en compte les personnes humaines (tête et ventre) ;  faire exister des personnes qui ont eu le sentiment d’être niées »41. La médiation doit faire  émerger le conflit intérieur qui a provoqué le litige, les émotions et les sentiments cachés, les  non-dits qui sont le nœud du problème. Le médiateur doit chercher à bien comprendre ce  que les parties disent et les aider à leur tour à se comprendre. La reformulation va l’y aider.

3-2-3 La reformulation 

Pour Carl Rogers, la reformulation est le fondement d’une véritable écoute. C’est la marque  d’une attention fixée sur l’autre avec considération et respect.

Elle permet d’instaurer un dialogue et rend la médiation dynamique.

Le médiateur reprend les propos des parties et les leur renvoie de manière positive.

Le médiateur doit reformuler les ressentis des médiés avec empathie. Il se met à l’écoute  des médiés pour mieux ressentir ce qu’ils éprouvent et faire remonter leurs besoins.

La reformulation se fait surtout au début du processus, avec des questions ouvertes, pour  s’assurer de la compréhension des faits. Ensuite, on pose des questions fermées.

A l’aide du questionnement, le médiateur va à la recherche des chocs émotionnels, déceler les blessures, les ressentis non-exprimés, aller à la source pour chercher le moment ou la  rupture du lien s’est opérée. Quelquefois, l’origine du conflit peut dater de plusieurs  générations.

Apres avoir reformulé, le médiateur obtient la validation du médié qui vient de s’exprimer.  Cette validation permet de rassurer les parties. La confiance est ainsi créée entre les parties  et le médiateur, comme un mini accord qui favorise la compréhension mutuelle.

Une bonne reformulation est claire, simple, précise, positive et complète. Elle est dénuée de  toute interprétation.

Il existe plusieurs formes de reformulation :

➢ La reformulation perroquet ou écho ou miroir, reprend les mêmes termes presque mots pour mots exprimés par les parties ;

➢ La reformulation synthèse ou résumé, marque la fin d’une étape ;

➢ La reformulation clarification apporte une lumière aux propos des médiés ;

➢ La reformulation du ressenti (indicateur d’ambiance). Exemple : « Il me semble que  vous êtes en colère ». S’il arrive qu’une partie manifeste de manière très forte ses  émotions en des pleurs ou autres manifestations, le médiateur l’accueille tout  simplement, la culture entre en jeu ici. Soit à l’européenne, juste un mouchoir ; soit à

l’africaine, le médiateur peut s’asseoir à côté de la personne juste quelques instants  en signe de soutien ou lui donner une tape à l’épaule.

➢ La reformulation positive c’est-à-dire que le médiateur positive des propos négatifs  exprimés par une partie.

➢ La reformulation du sous-entendu : une partie exprime quelque chose mais ne  termine pas sa phrase ou fait des gestes. Le médiateur doit déceler le sous-entendu ;  faire une reformulation dans ce sens et la faire valider par le médié en question.

En plus de la reformulation, le médiateur peut poser des questions pour faire accoucher la  solution aux parties.

3-2-4 Le questionnement 

Le questionnement se pratique tout au long du processus. Il se situe à toutes les étapes. Par  exemple, dès le début : « avez-vous trouvé facilement le centre ? » ; « qui veut parler le  premier ? » etc.

Le médiateur, n’ayant pas de pouvoir, il est obligé de questionner pour faire avancer le  processus. La question permet de relever les non-dits, de lever les malentendus, de revenir  au passé, etc.

Mais attention. Il ne s’agit pas d’un interrogatoire. Il faut donc utiliser un ton modéré, neutre,  bien moduler la voix dans ce sens, un ton de curiosité saine, un ton d’empathie …

On posera des questions ouvertes au départ pour affiner, puis des questions fermées par la  suite.

La question ouverte permet le développement des idées alors que la réponse à une question  fermée est oui ou non. Le médiateur doit donc aller au cas par cas, selon les circonstances  et les étapes du déroulement de la médiation.

Il y a également les questions de relance et de validation.

Les questions à éviter : 

✓ Les questions à préjugés

✓ Les questions infantilisantes : les médiés sont des personnes responsables. Ils  pourraient être vexés par ce genre de questions

✓ Les questions blessantes

✓ Les questions orientées

✓ Les questions complexes.

 

3-2-5 La validation 

La spécificité de la médiation par rapport aux autres moyens de règlement amiable est  qu’elle est bien l’affaire des parties. Le médiateur doit de ce fait revenir chaque fois à elles  pour valider ce qui est compris, ce qui est accepté, etc.

Exemple : « est-ce bien cela ? », « êtes-vous d’accord ? »

Tous ces outils accompagnent les différentes phases de la médiation.

3-3 Les phases de la médiation 

On note en général 4 phases dans la médiation :

Quoi : il s’agit ici de faire démarrer le dialogue entre les parties qui évoquent les faits. Un  processus volontaire qui fait intervenir la responsabilité des médiés qui ont choisi d’eux mêmes un médiateur. Le médiateur purge les problèmes de personnalités en faisant  remonter les émotions, les ressentis exprimés ou cachés et les nomme. Des apartés  peuvent être nécessaires ici pour débloquer des situations.

Pourquoi : le médiateur aide à faire remonter comme d’un iceberg, les causes profondes du  conflit ; identifier les besoins et les intérêts des médiés ; les besoins non satisfaits qui sont à  la base du conflit, les ressentis exprimés ou non et bien les faire remonter. Pour bien  consolider l’accord qui va intervenir, le médiateur peut se référer à la pyramide de Maslow  qui définit les besoins fondamentaux de l’être humain (besoins physiologiques, besoin de  sécurité, besoin d’appartenance et d’amour, besoin d’estime de soi, besoin de s’accomplir).  Cette phase aboutit en général sur l’accord sur le désaccord, c’est-à-dire que les médiés se  comprennent.

Comment : A partir du RIP (réflexion individuelle préalable), on aboutit dans cette phase à la  mise en intelligence collective. Le médiateur amène les médiés à réfléchir ensemble à une  ou des solutions capables de les satisfaire, chacun selon ses besoins et ses intérêts. Il faut  ici évoquer toutes les solutions possibles.

Comment finalement : Les médiés s’entendent sur les solutions qui satisfont le mieux leurs  besoins et intérêts qu’ils consignent dans un accord qu’ils ont eux-mêmes créé.

Des études ont montré que dans 70% des cas, les parties arrivent à trouver des solutions  dans leurs propres intérêts.

Dans 30%43 des cas ou la médiation n’aboutit pas à un accord, on constate que :

  • Soit, les parties ayant renoué le dialogue, continuaient à communiquer après la  médiation et finissent par s’entendre sur l’essentiel pour continuer leurs relations ;  une sorte de modus vivendi.
  • Soit, parce que les échanges au cours de la médiation ont tout de même permis aux parties de mieux se connaitre. Cela peut désamorcer quelque peu la vivacité des  tensions au point ou elles s’entendent pour trouver une personne extérieure, en qui  elles ont confiance pour les aider. Cela peut être un chef de service, un ami commun  aux parties ou dans le pire des cas, devant le juge.

Pour garantir la réussite du processus de la médiation, il est également important de ne pas  attendre la fin pour évaluer la façon dont elle se déroule. Il s’agit de vérifier si chacun a bien  la liberté de la parole, s’exprime comme il le souhaite et a le sentiment d’être bien compris.

Mais la médiation et le déroulement du processus, ainsi décrits, sont–ils suffisants pour  éviter les conflits dans la pêche artisanale ?

3-4 Médiation et prévention des conflits dans le secteur de la pêche  artisanale 

Une fois toutes les conditions réunies pour une bonne médiation, il faut encore s’assurer que  le conflit n’aura pas tendance à ressurgir. Pour ce faire, il ne faut pas se presser dans le  processus. Le médiateur doit prendre du temps pour aider les parties à creuser au fond  d’elles-mêmes pour sortir la cause du conflit. Sachant que l’activité de la pèche se transmet  de père en fils et de mère en fille, la cause peut provenir de plusieurs générations. Il ne faut  pas avoir peur d’entendre certaines choses qui remontent loin. De grosses émotions peuvent  émerger. Il peut être aussi nécessaire de recourir à des personnes encore vivantes, amies  aux parents défunts des parties ou qui les connaissent tout simplement et qui ont vécu les  faits avec eux. Ces dernières vont aider à éclairer la lanterne du médiateur et des médiés.

3-4-1 La responsabilité des parties 

Le médiateur doit prendre le temps d’insister sur la responsabilité des parties. Elles (les  parties) doivent prendre conscience que la médiation à laquelle elles participent est une  opportunité de régler définitivement leurs conflits quelle qu’en soit l’origine, la gravité des  impacts psychologiques et la durée dans le temps.

Les parties doivent se dire qu’elles n’ont pas à léguer ces conflits aux générations futures. L’activité de la pèche étant communautaire, à quoi bon vivre éternellement dans une  mauvaise ambiance avec des conflits, sachant que la pèche et ses différentes activités connexes, à savoir le mareyage, la transformation et autres sont imbriquées les unes dans  les autres.

La ressource halieutique est un bien commun aux communautés de pêcheurs. Elles doivent  donc l’entretenir, la respecter. « Le chacun pour soi » ne doit pas exister. Ils (les pêcheurs) savent également qu’ils doivent laisser la ressource, c’est-a-dire le poisson a leurs enfants.  Ils n’ont donc pas intérêt à ce qu’elle se raréfie. Or, les engins de pêche utilisés par certains  parmi eux contribuent à cette raréfaction.

Pour éviter que les conflits ne naissent et ne s’enracinent, la médiation de prévention peut  être envisagée.

3-4-2 La médiation de prévention des conflits 

Ce type de médiation se constate de plus en plus dans les contrats d’exécution de projet. Si  des conflits sont naissants, on prévoit des clauses pour l’éviter.

On peut aussi y recourir dans le cas de « l’évolution d’un organigramme », de la  « modification d’une structure » ou d’un « partenariat à fort enjeu »44.

Dans le cadre de la pêche artisanale, il faut chercher à réduire au maximum les risques de  conflits, ce qui suppose qu’il faille en connaitre les causes.

Ces causes qui se confondent avec les conflits que nous avons évoqués plus haut, ont pour  noms entre autres, la pêche INN45, le manque de bonne gouvernance et de démocratie au  sein des organisations professionnelles, les mauvaises relations et communication entre les  acteurs et l’administration des pêches, les questions de sécurité etc.

Ne dit-on pas qu’il vaut mieux prévenir que guérir ?

Ce paragraphe sur la prévention des conflits nous introduit directement aux suggestions et  recommandations.

 

CHAPITRE IV – SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS 

Au regard de ce qui précède, il serait opportun que le médiateur qui intervient dans la pêche  artisanale ait à cœur certains éléments.

4-1 Adapter les techniques de communication à l’environnement de  la pêche artisanale 

4-1-1 La question de la confiance 

Les communautés de pêcheurs artisans étant pratiquement fermées, elles ne font pas  facilement confiance aux autres. Cela constitue un nœud que le médiateur doit chercher à  dénouer par son comportement et par ses efforts de compréhension du milieu auquel il a  affaire.

Cela suppose un bon temps de pré-médiation pour que la confiance s’établisse avant toute  discussion.

Autant la confiance est primordiale dans les relations humaines, autant elle l’est encore plus  dans la médiation ; réparatrice de la confiance brisée entre les parties.

Cette confiance qui doit s’établir entre le médiateur et les parties nécessite tout un art appelé  la maïeutique.

Le philosophe grecque Socrate qui a fait de la maïeutique la ligne directrice de son  raisonnement la définit ainsi : “Mon art de maïeutique a les mêmes attributions générales  que celui des sages-femmes. La différence est qu’il délivre les hommes et non les femmes et  que c’est les âmes qu’il surveille en leur travail d’enfantement, non point les corps”46. Il s’agit  d’aider les esprits, entendu ici les personnes à sortir ce qu’elles ont en elles, ce qui est  enfoui dans leur cœurs.

Blaise Pascal, dira que « le cœur a ses raisons que la raison ignore »47. C’est pourquoi le  médiateur se doit, en plus des conditions citées plus haut dans la loi ivoirienne sur la  médiation, d’être positif, flexible, patient, agréable, énergique etc. ; car la confiance se  construit pas à pas.

Aristote ajoute que rien n’est parfait. « Il faut une règle souple pour l’homme qui n’est pas  fait de fer »48. C’est la médiation, qui est rigoureuse, mais en même temps souple.

Pour Dominique Retourné, Avocat et médiateur, la confiance, c’est le socle, et dit-elle, c’est  au médiateur d’analyser avec la tête et le ventre, ce que les médiés ressentent. C’est à lui  d’aller chercher les non-dits des parties, les blessures, les chocs, les ressentis non exprimés. Il doit aider à aller à la source chercher le moment où la rupture des liens s’est  opérée. Quelquefois, l’origine du conflit peut provenir de générations lointaines et cela se  vérifie bien dans les communautés de pêcheurs artisans ou l’activité se transmet de père en  fils. Dans ce genre de situation, beaucoup de choses peuvent être enfouies, même des  situations dramatiques. En ce moment, le médiateur accueille les émotions, et fait une  écoute silencieuse.

Le médiateur de la pêche artisanale doit être très imaginatif, créatif…

Les attitudes qui contribuent à atteindre cette confiance permettront au médiateur d’être  accepté des communautés de pêcheurs beaucoup plus facilement.

4-1-2 Attention au langage 

Nous savions déjà qu’un médiateur doit adapter son langage aux médiés dont il a à faire,  mais cela est encore plus vrai lorsqu’il s’agit des communautés de la pêche artisanale. La plupart des enfants de pêcheurs artisans ne font pas de longues études et par  conséquent n’aiment pas la paperasserie et le langage trop châtié. Ce côté psychologique  est à prendre en compte par le médiateur afin qu’il sache se mettre au même niveau de  langage pour les comprendre et pour se faire comprendre.

Pour François Savigny, « les mots sont des bazars »49. Cela signifie que chacun y met ce  qu’il veut bien comprendre. Par conséquent, lorsque quelqu’un parle, nous en comprenons  au maximum 75 %. Cela signifie que nous sommes des étrangers les uns pour les autres.  Cela fait partie des difficultés de la communication.

Et ensuite, la gestuelle. Avec des communautés traditionalistes telles que celles de la pêche  artisanale, chaque mimique, respiration, geste ou onomatopée à un sens que le médiateur  doit s’évertuer à reformuler.

Il peut aussi arriver qu’un médié, dans le contexte traditionnaliste appelle le(a) médiateur  (eure), mon fils ou ma fille. Il faut juste y comprendre, que ce n’est pas au sens propre du  terme, le placer dans son contexte africain et ivoirien et passer outre ; tout en étant vigilant.

Par ailleurs, vu la configuration du secteur de la pêche artisanale, il y aura certes des  médiations composées de deux parties, en plus du tiers, le médiateur, mais il y aura aussi,  selon les cas, des médiations de groupes.

4-1-3 La médiation de groupe 

Les communautés de pêcheurs s’organisent de plus en plus. Mais compte tenu de leurs atti tudes traditionalistes, ethnicisées et solidaires, il faudra envisager des séances de médiation  ou plusieurs personnes pourront intervenir pour ne pas dire toute une communauté. A ce  niveau, comment pourrait-on garantir la confidentialité qui représente le premier principe de  la médiation ? Il faudra s’adapter selon les cas de médiation qui se présenteront afin de réduire au maximum le cercle des participants. Le médiateur fera jouer l’intelligence collective  pour la recherche des solutions des parties. Cela pourrait être un des points positifs de la  médiation de groupe.

L’expérience de la médiation avec les coopératives au Burkina Faso pourrait nous inspirer.

4-1-4 L’expérience du CAMCO avec les coopératives au Burkina Faso 

Le Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou vit des expériences  similaires où il est invité à intervenir auprès de coopératives ou autres regroupements du  monde rural.

Selon Mme Bintou Boli Djibo, secrétaire permanente du CAMCO, ce sont des expériences  qui permettent de positionner la médiation comme un instrument de lutte contre la pauvreté.  Pourquoi pas ? Si les communautés paysannes, dont les pêcheurs, peuvent mieux commu niquer et se comprendre à travers la médiation, elles deviendront plus fortes face à ceux qui  décident de leur sort. Elles pourront mieux participer à leur propre développement.

C’est exactement ce que prône l’ADEPA, l’Association ouest africaine pour le développement de la pêche artisanale basée à Dakar, qui se donne comme mission d’accompagner les organisations professionnelles de la pêche artisanale à se renforcer pour mieux participer aux décisions les concernant.

4-2 Sensibilisation et formation en médiation pour les communautés de pécheurs
Il est important que des séances de sensibilisation et de formation soient organisées dans
les communautés de pêcheurs afin qu’elles soient sensibilisées à cet outil de
développement. En effet, la médiation, une fois adaptée à leur environnement, pourrait
s’avérer être un moyen de communication efficace pour établir le dialogue et les aider à
mieux communiquer, non seulement entre elles, mais également entre elles et leurs
partenaires extérieurs. Cela ne devrait pas être difficile, dans la mesure où elles s’organisent de plus en plus en coopératives ou groupements professionnels d’intérêt économique.
Mais cette sensibilisation doit commencer par les organismes ou ONG nationales, régionales ou internationales qui les accompagnent afin qu’ils introduisent la médiation en tant que module de formation ou comme thème ou sous-thème des séminaires qu’ils organisent.
Cette méthode pourrait, en partie, faciliter le financement de ces formations et la
sensibilisation en direction du secteur de la pêche artisanale.

4-2-1 La question du financement de la promotion de la médiation
La question du financement de la promotion de la médiation en Afrique se présente comme un défi. Des lors, ce que nous venons de proposer pour la pêche artisanale est valable pour tous les autres domaines de la vie politique, économique et sociale des pays africains et de la Cote d’Ivoire en particulier.
A tous les niveaux, la sensibilisation doit se faire : d’abord à travers le bouche-à-oreille de tous ceux que nous rencontrons ; ensuite que les décideurs politiques, les chefs
d’entreprises et autres entités, commencent à introduire la médiation dans leurs plans
d’actions. C’est à ce prix que nous pourrons atteindre rapidement l’objectif du financement qui n’est qu’un défi parmi tant d’autres.

4-2-2 Enseigner la médiation dans les écoles et les universités
Autre défi et meilleur moyen de pénétration de la médiation dans les esprits est de
l’enseigner à l’école.
Dans les années 90, de nombreuses personnes considéraient la question de
l’environnement pour tous, comme un leurre, notamment en Afrique. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Tout le monde s’accorde à dire que l’environnement est global et que nous avons tous besoin d’un environnement sain.
Il en sera de même pour la médiation et le processus ira très vite avec les écoles et les
universités.
Le fait que le conflit est inhérent à toute société d’êtres humains n’est pas suffisamment compris de tous pour permettre à chacun d’entrer dans une certaine humilité pour considérer l’autre. Il serait opportun que cette prise de conscience de la problématique relationnelle entre les Hommes soit enseignée dans les écoles et dans les universités. Autant dans les écoles d’ingénieurs et de commerce, on enseigne le management, la négociation, voire la résolution des conflits collectifs, autant on devrait enseigner la complexité des relations interpersonnelles, qui est très souvent à la source des conflits, face cachée du litige.

CONCLUSION
« L’homme est un loup pour l’homme ». Le romain, Plaute50, l’auteur de cette maxime a
voulu tout simplement dire que l’homme est un loup pour l’homme, quand il ne le connaît pas.
Le mot connaître ici contient toute la quintessence de la phrase, alors que depuis plus de 200 ans avant Jésus Christ, le monde entier s’est focalisé sur la férocité du loup dans le texte pour décrire la méchanceté de l’homme.
Si l’homme ne connaît pas son prochain, celui qui est en face de lui, il est évident qu’il aura peur de lui. Mais l’être humain étant complexe, une fois qu’on le connaît, ou qu’on pense le connaître, on sera surpris un jour, d’une réaction de sa part qui fera tout faire péricliter. Un lien vient d’être brisé.
Il revient à la médiation de le reconstruire. Mais qu’est ce qu’elle peut apporter dans le cadre des communautés de pêche artisanale ?
Pour respecter la maxime de Plaute, nous nous sommes intéressés à l’installation des
communautés de pêcheurs à travers l’Afrique de l’ouest et en Côte d’Ivoire, et à leur
organisation. Nous avons ensuite observé les moyens à travers lesquels ces communautés ont essayé de règler jusque-là leurs conflits.
Par ailleurs, nous avons analysé les modes de règlement des conflits qui existent y compris la médiation. Pour cette technique moderne de règlement amiable, il existe des principes et règles que nous avons passées en revue :
– la confidentialité,
– la neutralité,
– l’indépendance,
– l’impartialité,
– le respect de l’autre (respect mutuel)
– le respect de la parole (ne pas interrompre l’autre partie lorsqu’elle parle),
– la règle de l’aparté.

Ainsi que les techniques de communication : – l’écoute active, – la reformulation – le questionnement – la validation

Avec ces outils, une médiation efficace peut être menée. Nous avons compris que nous pouvions accompagner les communautés de pêcheurs artisans, de manière durable avec ces techniques modernes de médiation. Néanmoins, et compte tenu de la spécificité du secteur, nous avons proposé des adaptations pour mieux atteindre notre objectif. Pour ce faire, plusieurs défis sont à relever : l’instauration de la confiance de manière particulière, l’adaptation du langage, l’expérience de la médiation de groupe, la sensibilisation et la formation. A ce prix, nous pensons que la médiation pourra apporter beaucoup à la pêche artisanale en Cote d’Ivoire. L’absence de formation sur la médiation dans les écoles et universités pourrait expliquer certaines attitudes que l’on observe aujourd’hui face au conflit relationnel à savoir le « déni (on ne voit pas, on ne nomme pas), l’évitement (la fuite, combien de fois n’entendons-nous pas les gens dire : <> ; ou encore la minimisation (cette appréciation personnelle sur ce qui arrive à l’autre, sans prise en compte de ce qu’il en est effectivement pour l’autre)51 . Cette prise de conscience permettrait à chacun de savoir qu’il n’existe pas sans l’autre et que cette raison est suffisante pour ménager les relations. Bref, tout le monde connaît bien l’adage qui dit : « nul n’est sensé ignorer la loi ». Ainsi, on pourrait aussi dire que nul n’est sensé ignorer la médiation, car elle apparait comme le régulateur de notre coexistence pacifique, de notre « vivre ensemble ». Et encore mieux pour l’Afrique, la médiation apparaît comme un véritable outil de développement. Car si les êtres humains pouvaient bien se comprendre, il y aurait moins de conflits (et Dieu seul sait combien il y en a sur le continent africain en général et dans les communautés de pêche en particulier). Il y aurait également moins de conflits dans les entreprises, dans les sociétés, dans les familles ; et les Hommes pourraient mieux se
concentrer sur ce qui est essentiel pour leur vie, pour notre développement à tous.

 

ANNEXES
Annexe 1 : Programme de formation du CERFOPMAN-DU2 2016-2017
Annexe 2 : FENASCOPECI
Annexe 3: FENASCOOP-CI
Annexe 4 : Nuance entre litige et conflit
Annexe 5 : Collision entre bateau de pêche industrielle et pirogue
de la pêche artisanale – coupure de presse

BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
➢ Annuaire statistique 2014 (Direction de l’aquaculture et des
pêches)
➢ BOUJOU S. « La pêche artisanale : histoire, structure,
fonctionnement et dynamique »
➢ Blohorn-Brenneur, B. « La médiation pour tous », Montigny-leBretonneux, Medias &Mediations, 2013
➢ Bensimon S., « La médiation : des sociétés traditionnelles aux
innovations du monde moderne », Module cours DU2-Cerfopman,
Abidjan, 2017
➢ Boli Djibo B. , Module cours DU2-Cerfopman, Abidjan, 2017
➢ FAO (Cadre de programmation pays 2012-2015)
➢ Lenoble, M., Battistoni E., Oudin F., « Le médiateur
professionnel en actions et en mots», Paris, L’harmattan, 2014
➢ Retourné D. « Les techniques de communication essentielles en
négociation et en médiation », Module cours DU2-Cerfopman,
Abidjan, 2017
➢ Samba A. « Etudes sur les cadres de concertation dans la peche
en Afrique », 2014
➢ Savigny, F., « La pratique de la médiation : un enjeu relationnel,
l’image de soi, l’image de l’autre »
➢ Salzer J., Fefeu M., Saubesty J.P., « Guerre et paix….. dans
l’entreprise », Saint Quentin-en-Yvelines Medias&Mediations, 2013
Communication
– M’Bengue M., « L’importance de la pêche artisanale en Afrique de
l’Ouest », communication de l’ADEPA-WADAF – conférence des
ministres de la pêche et de l’aquaculture – Addis-Abeba, 2014
Textes et lois nationaux et régionaux
• Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (Ohada)
• Loi No 2014-389 du 20 Juin 2014, relative a la médiation judiciaire
et conventionnelle
Sites internet consultés
▪ www.Wikipedia.org/wiki/arbre a palabre
▪ www.Slateafrique.com/arbre -a -palabre-tradition
▪ www. Youphil.org
▪ www.arbreapalabre.om
▪ www.Droit.Afrique.com/Ohada
▪ www.etaleculture.fr/l’homme est un loup pour l’homme
▪ www.linfodrome.com/faits et méfaits/collision entre bateau et
pirogue
▪ www.Statpeche-uemoa.org/structure de la pêche en Côte-d’Ivoire
▪ www.ec.europa.eu/illegal fishing_fr